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Critique de Shaynning


Incontournable Janvier 2023


Enfin quelque chose de novateur dans les albums entourant les célébrations de Noël! Nous sortons pour une fois du cadre des festivités telles que nous les avons modelées dans les pays industrialisés occidentaux, pour atterrir dans les terres du nord européen, en pleins folklore scandinave et mythologie viking. Un album pour faire écho à la désormais très connue Reine des neiges, mais aussi plus récemment au magnifique roman "les Soeurs hiver" de Jolan C.Bertrand.


"Laissez moi vous raconter..." propose le Dieu de la malice, de la discorde et des illusions Loki. Quelque part dans le nord vivent des créatures à la peau hérissée d'épines, pour lesquelles chaque mauvais tour, chaque malice leur fait pousser une nouvelle épine souffrante. Ce sont les trölls du roi Rotinnmïr, qui détestent tout ce qui va à l'encontre de leur mauvaise humeur, comme la joie, les présents, les fêtes. C'est pourquoi, à l'occasion de la fête du solstice d'hiver, Yule, les trölls lancent du crottin de cheval contre les maisons des habitants, cassent des objets et salissent les pièces des habitations. Cela leur procure, à défaut d'un baume à leur douloureuses épines, un peu de satisfaction malsaine. Mais un jour, le plus jeune et plus petit d'entre eux, Tric-Hlutur, passe par la cheminée pour faire un peu de casse dans l'une des maison de Navik, un petit village. Alors qu'il a commit moult actes de vandalisme, le petit troll découvre un jouet brisé, le préféré du petit garçon qui y vit. Espérant pourvoir l'emporter, il répare la tête du petit chien en bois, mais le réveil des parents le force à prendre la fuite sans son objet. Alors que les parents découvre la désolation qu'est devenue leur foyer, il y a cependant un petit garçon qui est tout heureux de découvrir son jouet favoris réparé. Dehors, à la fenêtre, un petit tröll constate les faits et comme un sentiment chaleureux nait en lui devant la joie de l'enfant, deux épines se détachent de son dos...


À partir d'ici, il y aura des divulgâches.


Tric-Hlutur comprit que de réparer des jouets le soulageait de ses épines, tant et si bien qu'il renouvela chaque nuit ses visites au village de Navik, dans l'espoir de trouver des choses à remettre en état. Les autres trölls commencèrent a avoir des soupçons alors que Tric-Hlutur semblait occupé et changeait physiquement. le petit tröll décida de partager avec eux sa découverte. Bientôt, il y eu pleins de réparateurs de jouets, ce qui, bien sur, ulcéra le roi Rotinnmïr,qui trouva conseil auprès de votre narrateur préféré, c'est-à-dire moi, Loki. le Dieu des illusions expliqua au roi que tôt où tard, il n'y aurait plus d'objets à réparer et les trölls redeviendraient mesquins et tapageurs comme avant. Il faut dire que c'est ainsi que le roi les voulaient, car ainsi, ils lui ressemblaient.


Tric-Hlutur n'avait pas la même façon de penser, cependant. Devant le désarrois de ses comparses, lorsqu'en effet les jouets furent tous réparés, il trouva lui aussi avisé de venir voir votre dieu viking favori, moi toujours, Loki, et de lui demander où il pourrait trouver des objets "magiques" à réparer comme le petit chien de bois. Loki expliqua qu'il pourrait trouver de quoi les contenter tous dans le Nord, mais comme il le signifia, "ce sera un voyage sans retours possible". Déterminés à ne plus retomber dans leur souffrance, les trölls quittèrent furtivement leur caverne et leur roi pour s'engager dans les terres glacés du Nord, exposés au froid de plus en plus mordant. Alors que les trölls frigorifiés se pelotonnaient ensemble pour se protéger du froid, des rennes leur portèrent assistance et les menèrent à une grande résidence en bois. Ils y trouvèrent des jouets en grande quantité, mais non pas abîmés, plutôt inachevés. N'ayant jamais accomplis ce genre de travail, ils tâchèrent de faire au mieux, sciant, peinturant et sablant de manière maladroite, mais avec de plus en plus de coeur à l'ouvrage. Ils firent tant de bruit qu'ils réveillèrent le maitre des lieux, un vieil homme à forte carrure et à barbe blanche dont les mains pouvant autrefois confectionner des jouets étaient hélas trop abîmées pour poursuivre leur tâche. Il se prit en affection pour ces petites créatures et leur montra comment faire des jouets. Cette nouvelle activité leur fit tomber une à une leurs épines, adoucit leur humeur et rosit leur peau désormais douce.

Le roi Rotinnmïr, furieux de la trahison des trölls, demanda une fois de plus au dieu rusé d'intervenir. Employant un miroir, Loki brisa le reflet du roi tröll dont chaque éclats devient un morceau de son âme noir pouvant physiquement se rendre au Nord pour troubler les trölls et leur nouvel employeur. C'était sans compter la magie de l'hiver que possédait cet homme, qui sema les jouets de se battre contre les ombres et vainquirent. Désormais, à chaque fête de Yule, le vieil homme remet son rouge manteau bordé de fourrure, attèle ses rennes et va distribuer des jouets aux enfants du monde, ceux-là même qui ont été fabriqué par des trölls devenus lutins. Désormais, nul épine ne poussa sur la peau de lutins. Ainsi s'achève mon histoire, dont vous comprendrai très certainement que je fusse celui qui rendit possible le retours du père Noël, n'est-ce pas?


Quelle histoire touchante. Comme certains autres lecteurs l'ont remarqué, les trölls découvrent que le mal que l'ont fait aux autres nous cause du mal en retours, ici représenté par les épines. On pourrait arguer que ce sont les actions mesquines qui n'ont rien de constructif et qui ne mènent nul part en terme d'accomplissement personnel qui font souffrir en retours. Ce n'est qu'une façon facile de se décharger de sa rancoeur, mais celle-ci ne s'apaise pas en semant de la désolation. Au contraire, apporter de la joie aux autres, être proactif, solidaires et constructif apporte un sentiment d'accomplissement, de paix et d'utilité. Ce n'est donc pas tant les objets réparés qui ont insufflé autant de bien être aux trölls que leurs actions elle-mêmes. Mieux encore, on peut observer que ce "père Noël" scandinave a donner une raison d'être aux trölls, un projet commun et long terme, qui les valorise et leur apporte un sentiment d'accomplissement encore une fois, cette fois en créant des jouets. Pour être heureux, les gens ont généralement besoin d'une source de valorisation, peut importe sa forme, et je remarque que celle des désormais "lutins du père Noël" n'est pas seulement valorisante, elle est aussi inclusive et collective. Autrement formulé, elle permet aux trölls de rester ensemble et de partager un projet commun, un peu à la manière d'une famille.


Je remarque aussi toute l'évolution du personnage attachant de Tric-Hlutur, dont le prénom me rappelle l'univers uruk/orc de Tolkiens. Non seulement est-il l'instigateur du changement au sein de son groupe, il a aussi décidé de se faire confiance et aller dans le sens qui lui semblait le plus porteur d'espoir, au lieu de simplement suivre le troupeau. Mieux encore, il a partagé sa découverte avec les autres, même si,au fond, il n'y était pas obligé. Puis, il a été plaidé sa cause auprès de Loki, afin que les trölls ne resombrent pas dans leur état souffrant. Être un vecteur de changement n'est pas simple, cela demande le courage de sortir de sa zone de confort et d'affronter l'inconnu.


Aussi, j'aime bien cette histoire qui illustre que nous sommes dotés de la faculté à changer de vie, pour un peu qu'on en ait les outils, la volonté et le support. Nous ne sommes pas condamné à être ce que nous percevons de nous actuellement, parce que cette perception peut elle aussi changer. Également, se découvrir une passion peut réellement changer une vie.


Je constate aussi que nous avons ici un bon exemple de leadership autocratique vs démocratique. le roi tröll est une sorte de tyran, un meneur autocratique qui prend les décisions seul et qui est prêt à sacrifier le bonheur de son groupe si tel est son bon plaisir. Il nous en donne une exemple quand il se montre furieux de voir le changement parmi les trölls, qui lui ressemblent moins du coup. le tyran est toujours tourné vers lui-même, ses besoins priment, sa volonté est la seule qui importe. le père Noël, pour sa part, est un exemple de meneur démocratique, car il a comprit qu'un groupe fonctionne dans les deux sens. Il peut guider les trölls et leur apprendre la confection des jouets, les défendre également contre les menaces extérieures, mais il comprend que la force de leur maisonnée repose sur le travail des trölls. Un travail d'équipe en équilibre correspond à un sain leadership. On remarque aussi que l'atmosphère est saine, il y a de la joie et du plaisir à travers leur travail.


Enfin, je ne peux passer sous silence la richesse des illustrations, la couverture la première, qui est fabuleuse. J'adore la palette de couleurs, avec ses verts aux accents sarcelle, ses violets indigo, ses jaunes lumineux et ses marrons chaleureux, avec tous ces beaux jeux de lumières, sans contours noirs comme délimitations. Ça respire la nature et l'hiver, avec une forte présence de références à la culture et au folklore scandinave. Les trölls ont une apparence mignonne, et j'ai remarqué que Tric-Hlutur porte une sorte de jupe! Bon, dire qu'il est un garçon reste assez difficile à dire, mais bon, j'aime croire que c'est le cas, histoire de briser le cliché de la jupe "aux filles". Même l'apparence du père Noël est adaptée, avec son manteau bordé de fourrure, son chapeau qui rappelle ceux du peuple nordique Saami et sa demeure en bois qui rappelle celles des vikings. Visuellement, c'est vraiment très beau et apporte son lot de précisions quand à l'univers en présence.


J'adore ces auteurs et autrices qui nous sortent des sentiers battus, qui nous font voyager avec des histoires qui sont aussi pertinentes qu'intéressantes. Je précise que si l'album traite d'une fête d'hiver, rien n'empêche de le lire en dehors des temps des fêtes, surtout avec sa dimension culturelle scandinave et ses divers axes sociaux. Se priver de le lire hors de la saison hivernale serait aussi outrageant que de se priver de crème glacée/glace en hiver! Quoi, vous n'avez jamais manger de crème glacée en hiver?


Le texte est relativement soutenu, ce qui est fort apprécié, mais qui va aussi nécessiter un lectorat plus habile avec les mots. Il a donc été placé en second cycle primaire. En même temps, nous avons besoin de ce genre de défis en lecture pour nos lectorat plus vieux, c'est donc doublement apprécié!


Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans et plus.
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