C'est au fin fond d'un monastère, sans doute l'abbaye de Fulda, réputée comme celle de
Saint Gall pour abriter de nombreux manuscrits, que dormait le « De rerum natura » de Lucrèce attendant que le chasseur de livres florentin Gian Francesco Poggio Bracciolini, dit en français
Le Pogge, qui a compris immédiatement toute son importance, le sorte de l'oubli en 1417.
Alors âgé de 40 ans, cet érudit passionné par l'Antiquité, était renommé pour la belle lisibilité de son écriture et la rapidité exceptionnelle de ses copies.
En cette année 1417
Le Pogge perd sa charge de secrétaire du pape Jean XXIII déposé lors du concile de Constance :
« Soixante dix chefs d'accusation lui furent officiellement notifiés. Craignant leurs effets sur l'opinion publique, le concile décida de supprimer les seize chefs d ‘accusation les plus scandaleux, qui ne furent jamais révélés, ne retenant que la simonie, la sodomie, le viol, l'inceste, la torture et le meurtre. » p 189 Que devaient être les autres !!!!!
«
Le Pogge, secrétaire apostolique cynique au service d'un pape notoirement corrompu, était considéré par ses amis comme un héros de la culture, un guérisseur qui réparait et ramenait à la vie le corps démembré et mutilé de l'Antiquité.
C'est ainsi qu'en janvier 1417 nous le retrouvons dans une bibliothèque monastique, probablement à Fulda. Là, il prit sur une étagère un long poème dont l'auteur devait être mentionné par Quintilien ou dans la chronique de saint Jérôme : T.LUCRETI CARI DE RERUM NATURA. » p 200
Il faut souligner qu'il ne tardera pas à retrouver sa place de secrétaire à la Curie et cela pour de nombreuses années car il sait manoeuvrer pour y rester malgré ses écrits parfois aussi subversifs pour la papauté que ceux de Lucrèce.
Comment ce livre connu depuis l'antiquité et sorti de l'ombre au XVe siècle va-t-il être à l'origine
De La Renaissance c'est ce que nous démontre l'auteur de «
Quattrocento ».
Tout en nous retraçant l'histoire du « De rerum natura » de Lucrèce dont il souligne l'importance et l'influence à Rome auprès d'écrivains comme
Cicéron et
Virgile, il nous fait remonter jusqu'à l'époque de sa redécouverte et au-delà.
Il nous offre au passage un portrait inoubliable de la curie romaine et de la corruption des papes tout en n'épargnant pas non plus les savants humanistes, dont
Le Pogge, qui se disputa en 1452 avec un autre secrétaire du pape l'humaniste Georges de Trébizonde sur la question de savoir qui méritait le plus d'éloges pour diverses traductions de textes antiques :
«
Le Pogge traita tout haut son rival de menteur et Georges répondit en lui assenant un coup de poing. Puis le Pogge, soixante douze ans, saisit d'une main la joue et la bouche de Georges, cinquante sept ans, tout en essayant , de l'autre main de lui arracher un oeil…
Le Pogge profita de ses relations pour faire renvoyer Trébizonde de la curie. le premier termina ses jours couvert d'honneurs, le second mourut dans l'anonymat, pauvre et amer. » p 164
Un livre sur les livres et sur un livre en particulier qui m'a passionnée. Il est semblable à un jeu de piste et donne envie de découvrir et savoir. Une chasse aux trésors dont je ressors éblouie par l'érudition de son contenu, jamais pesante et même bien vivante.