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EAN : 9782081284579
345 pages
Flammarion (12/04/2013)
3.81/5   309 notes
Résumé :
Et si la Renaissance était née d’un livre ? Un livre perdu, connu par fragments, recopié par quelques moines et retrouvé par un humaniste fou de manuscrits anciens ? L’idée, audacieuse, vertigineuse, ouvre les portes de l’histoire de Poggio Bracciolini, dit le Pogge, qui découvrit une copie du De rerum natura de Lucrèce dans un monastère allemand. C’était à l’aube du xve siècle.
Le Pogge n’était pas seulement un bibliophile passionné et un copiste hors pair. ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (62) Voir plus Ajouter une critique
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Phénomène littéraire outre-Atlantique, ce mystérieux Quattrocento m'intriguait depuis quelque temps. Merci à Babelio et aux éditions Flammarion d'avoir satisfait ma curiosité.

En l'absence de mention sur la couverture, dans quelle catégorie classer ce livre ? le titre et l'auteur américain évoquent le Da Vinci Code, l'illustration le cercle De La Croix, et le sujet littéraire le nom de la rose. J'en frétille d'avance !
En y regardant de plus près, la quatrième de couverture et le premier chapitre annoncent une biographie : celle de Poggio Bracciolini, un Florentin humaniste et bibliophile. Jusque là, ça va, j'adore les biographies.
Or bien vite, la biographie cède le pas à un essai historico-philosophique brassant les époques et d'innombrables citations. Renseignements pris, l'ouvrage original intitulé "The Swerve (la déviation) : How the world became modern" a reçu le prix Pulitzer dans la catégorie "non-fiction". Je peux dire adieu au roman historique palpitant tant attendu...

En 1417, Le Pogge a perdu sa charge de secrétaire auprès du pape déchu Jean XXIII et parcours l'Europe à la recherche de manuscrits antiques. Ses pérégrinations l'amènent dans un monastère allemand, où il déniche une copie du poème de Lucrèce écrit au premier siècle avant Jésus Christ : de rerum natura (De la nature des choses). En affirmant, dans la lignée d'Epicure, que la matière est faite d'atomes, de vide et rien d'autre, Lucrèce oppose la mort physique à l'immortalité de l'âme et substitue la quête du plaisir à la crainte de Dieu. Une vision du monde si différente des dogmes médiévaux qu'elle va bouleverser l'ordre établi et ouvrir la voie à la Renaissance.

Les quarante pages de notes à la fin de Quattrocento prouvent le sérieux des recherches de Stephen Greenblatt, professeur de littérature anglaise et spécialiste de Shakespeare. Néanmoins, je trouve que la manière dont il fait étalage de son savoir, sous forme de fréquentes digressions dans la biographie du Pogge, avec des sauts dans le temps allant de l'Antiquité au XXe siècle, manque de structure et de fluidité – la traduction n'aidant guère en cela. Il décrit par exemple le travail des moines copistes du Moyen Âge, ce qu'est un scriptorium, un papyrus, un parchemin ou un palimpseste, la découverte d'Herculanum sous la lave du Vésuve, la philosophie d'Epicure, les dangereuses théories de Giordano Bruno et de Galilée... Si de telles connaissances paraissent sensationnelles au lectorat américain, elles ne sont que des rappels pour un Européen doté d'un honnête bagage culturel. le chapitre que j'ai préféré est l'analyse du de natura (page 201 et suivantes), bien que la forme du commentaire demeure scolaire. Quant à la vie du Pogge, bien platement évoquée, elle m'a laissée de marbre.

Bref, j'ai lu Quattrocento avec un intérêt poli mais sans plaisir. Quel dommage pour un ouvrage qui place l'épicurisme au coeur de son propos...
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C'est au fin fond d'un monastère, sans doute l'abbaye de Fulda, réputée comme celle de Saint Gall pour abriter de nombreux manuscrits, que dormait le « De rerum natura » de Lucrèce attendant que le chasseur de livres florentin Gian Francesco Poggio Bracciolini, dit en français Le Pogge, qui a compris immédiatement toute son importance, le sorte de l'oubli en 1417.
Alors âgé de 40 ans, cet érudit passionné par l'Antiquité, était renommé pour la belle lisibilité de son écriture et la rapidité exceptionnelle de ses copies.
En cette année 1417 Le Pogge perd sa charge de secrétaire du pape Jean XXIII déposé lors du concile de Constance :
« Soixante dix chefs d'accusation lui furent officiellement notifiés. Craignant leurs effets sur l'opinion publique, le concile décida de supprimer les seize chefs d ‘accusation les plus scandaleux, qui ne furent jamais révélés, ne retenant que la simonie, la sodomie, le viol, l'inceste, la torture et le meurtre. » p 189 Que devaient être les autres !!!!!

« Le Pogge, secrétaire apostolique cynique au service d'un pape notoirement corrompu, était considéré par ses amis comme un héros de la culture, un guérisseur qui réparait et ramenait à la vie le corps démembré et mutilé de l'Antiquité.
C'est ainsi qu'en janvier 1417 nous le retrouvons dans une bibliothèque monastique, probablement à Fulda. Là, il prit sur une étagère un long poème dont l'auteur devait être mentionné par Quintilien ou dans la chronique de saint Jérôme : T.LUCRETI CARI DE RERUM NATURA. » p 200

Il faut souligner qu'il ne tardera pas à retrouver sa place de secrétaire à la Curie et cela pour de nombreuses années car il sait manoeuvrer pour y rester malgré ses écrits parfois aussi subversifs pour la papauté que ceux de Lucrèce.

Comment ce livre connu depuis l'antiquité et sorti de l'ombre au XVe siècle va-t-il être à l'origine De La Renaissance c'est ce que nous démontre l'auteur de « Quattrocento ».

Tout en nous retraçant l'histoire du « De rerum natura » de Lucrèce dont il souligne l'importance et l'influence à Rome auprès d'écrivains comme Cicéron et Virgile, il nous fait remonter jusqu'à l'époque de sa redécouverte et au-delà.
Il nous offre au passage un portrait inoubliable de la curie romaine et de la corruption des papes tout en n'épargnant pas non plus les savants humanistes, dont Le Pogge, qui se disputa en 1452 avec un autre secrétaire du pape l'humaniste Georges de Trébizonde sur la question de savoir qui méritait le plus d'éloges pour diverses traductions de textes antiques :
« Le Pogge traita tout haut son rival de menteur et Georges répondit en lui assenant un coup de poing. Puis le Pogge, soixante douze ans, saisit d'une main la joue et la bouche de Georges, cinquante sept ans, tout en essayant , de l'autre main de lui arracher un oeil… Le Pogge profita de ses relations pour faire renvoyer Trébizonde de la curie. le premier termina ses jours couvert d'honneurs, le second mourut dans l'anonymat, pauvre et amer. » p 164

Un livre sur les livres et sur un livre en particulier qui m'a passionnée. Il est semblable à un jeu de piste et donne envie de découvrir et savoir. Une chasse aux trésors dont je ressors éblouie par l'érudition de son contenu, jamais pesante et même bien vivante.
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Intéressante découverte que ce livre dont la lecture m'avait été conseillée par un ami. Cela me permet de découvrir deux personnages, "Lucrèce" auteur antique de l'oeuvre "De la nature" et le "Pogge", érudit humaniste, qui au 15ème siècle redécouvre le document dans un monastère allemand.
Cette lecture nous entraîne à l'époque où les papyrus étaient les supports aux textes, puis les parchemins qui recevaient le travail patient et méticuleux des moines copistes, les papiers aussi et les premiers travaux d'imprimerie inventés par Gutenberg.
Le livre évoque un long et patient voyage dans le temps et dans l'espace et aussi un combat entre religion et humanisme, inquisition et épicurisme, atomisme et foi religieuse, athéisme aussi, condamnations, bûchers... Le Pogge a-t-il mesuré toute la portée de sa découverte? à une époque où la chasse était faite à l'hérétique et où le manuscrit de Lucrèce mettait à jour des idées dangereuses et condamnables pour et par l'Eglise?
Le texte ne va pas laisser indifférent les intellectuels, écrivains, philosophes ou scientifiques qui prendront connaissances des idées de Lucrèce, grâce à la découverte du Pogge et à la mise en circulation du document. Il sera lu et annoté par Montaigne, traduit par Molière, il influencera Machiavel... mais aussi Jefferson... et bien d'autres...
J'ai apprécié cette lecture, trouvant seulement un peu pénible le grand nombre de notes à découvrir en fin d'ouvrage, et aussi, parce que je ne suis pas une scientifique, toutes les références relatives à la physique et à l'atome...
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Traduit de l'anglais ( Etats-Unis) par Cécile Arnaud
Un livre peut changer le monde. Il ne s'agit pas ici d'un livre se rattachant à quelque religion. C'est un poème un long poème, presque un chant écrit. Un livre qui a pour vocation d'apprendre aux hommes : le bonheur de vivre. C'est cette histoire vraie, celle du voyage d'un livre, mais au-delà du livre, c'est l'incroyable voyage de son contenu que Stephen Greenblatt nous permet de découvrir. Celui de sa redécouverte, après plus de mille ans, par Poggio Bracciolini dit Le Pogge au cours de l'hiver 1417. Livre qu'il fit recopié et qui permit que soit propagé à travers le monde la lumière que cet ouvrage contenait. Lumière qui nous est parvenue et qui ne s'éteindra jamais.
Cela faisait déjà un siècle que Pétrarque avait retrouvé des chefs-d'oeuvre oubliés, depuis, la fièvre des livres avaient saisi les érudits, qui devinrent lecteurs, bibliothécaires, copistes, producteurs et conservateurs de livres. Maîtres calligraphes, traducteurs, pétris de grammaire, de rhétorique. L'étude des humanités était amorcée.
Un livre donc en cet hiver 1417.
Un livre écrit autour de l'an 50 avant JC.
Un poème dont la survie relèverait du miracle, mais parler de miracle pour évoquer ces vers serait faire preuve de peu de respect, voir d'idiotie à l'égard de son auteur.
De rerum natura. de la nature des choses.
7 415 vers qui composent six livres. « un poème alliant un brillant génie philosophique et scientifique à une force poétique peu commune » . D'une force et d'un pouvoir incroyable. «  Les poèmes du sublime Lucrèce ne périront que le jour où le monde entier sera détruit ». Voilà la prophétie d'Ovide.
Il est l' oeuvre d'un poète philosophe latin. Lucrèce. Titus Lucretius Carus. Ce livre vous fera découvrir cette histoire bouleversante qui ensemença à travers le monde l'idée prodigieuse qu'il est dans la nature des choses de vivre le bonheur d'être ce que l'on est : libre et vivant. .
Lucrèce, disciple d'Épicure, nous a permis de connaître la pensée de son maître, il l'a développé, et porté à la connaissance des hommes en les nourrissant du miel le plus doux afin que nous puissions nous élever vers notre humanité.
Il n'existe pas d'enfer, pas de paradis, et si des dieux existent ils ont bien d'autres choses à faire que de soucier de nos vies de fourmis. Nous ne sommes pas d'essence divine, nous sommes fait de matière. Âme, esprit, corps nous sommes des poussières d'étoiles. Nous sommes faits de la semence des choses. La mort n'existe pas. Les atomes qui nous composent s'unissent, se meuvent, se dispersent, voyagent, se décomposent, se recomposent. La mort n'existe pas, la matière demeure. le temps et l'espace sont infinis. Nous ne sommes pas le centre de l'univers. le monde n'a pas été crée pour nous. Nous sommes par hasard en vie dans ce monde. D'autres mondes existent. D'autres planètes, d'autres galaxies. Toutes les religions sont des illusions, toutes sont cruelles.
La déviation aléatoire et incessante de la matière est l'origine du libre arbitre.
« Pas de place pour le fanatisme religieux, pas besoin d'abnégation, rien qui justifierai des rêves de pouvoir absolu. Ou de sécurité parfaite, ou qui légitime les guerres de conquête ou la glorification de soi, aucune possibilité de triompher de la nature »
Les écrits de Lutèce ont affronté le temps, les guerres, les cataclysmes, les flammes des fanatiques, la haine des imbéciles, des ignorants, des serviteurs des enfers et de la peur, des affameurs de l'intelligence.
Un livre dormait depuis mille ans et puis un autre jour est venu.
A travers ce livre de Stephen Greenblatt vous traverserez des siècles, vous apprendrez ce que fut Alexandrie, sa bibliothèque, son Muséum, le Sérapéum, sous le règne des Ptolomées, vous apprendrez ce qui causa sa perte, vous comprendrez pourquoi une civilisation peut tomber dans l'oubli, de Cicéron, à Montaigne, de Zenodotte à Sérapis, d'Hypathie à Giordano Bruno, de Thomas Jefferson à Newton… Galilée, Descartes, Harriot, Copernic, de Rome à Florence, de Londres à la Virginie, de Pompéei à Alexandrie...Quel prodigieux voyage.
. Et puis vous croiserez les monstres de l'histoire, les tortionnaires, les brûleurs de chair et de livres, vous apprendrez ce que fut l'officine des mensonges, …
Vous revivrez les temps effroyables « où la vie humaine gisait sur la terre écrasée sous le poids de la religion ».
Et puis comme moi, après la lecture de ce livre passionnant, vous n'aurez qu 'une envie chevillée à l'esprit, à l'âme et au corps : lire Lucrèce et partager son enseignement.

Astrid Shriqui Garain
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Toujours s'est posée la question : comment est-on passé du Moyen-Age à la Renaissance?
Et si ce passage était lié aux livres ? et plus spécialement à un livre ?
Si l'on fait un retour en arrière vers cette époque il faut se rappeler que l'imprimerie n'est pas encore inventée et que les manuscrits tiennent le haut du pavé. L'art de la copie est difficile, entaché d'erreur, seuls sont copiés les manuscrits qui se vendront bien.
A l'aube du XV ème siècle un homme parcours les routes, les monastères à la recherche de manuscrits anciens, de ceux qui donnent accès aux textes de l'antiquité. Il s'appelle Poggio Bracciolini mais nous le connaitrons plus tard comme Le Pogge.

Qui est-il ? C'est un bibliophile acharné, c'est un laïc qui a mis ses nombreux talents au service des Papes de son temps, et pas un Pape, non il en servira cinq !!
Cet homme qui se fraye un chemin dans l'ambiance délétère de la Rome de la Renaissance, est intelligent, un rien dépravé, tout à fait corrompu, facétieux et grivois, amateur de femmes et de bons mots.
Mais par dessus tout c'est un humaniste qui guette, cherche, déterre les manuscrits latins que les moines copient au fond des monastères sans parfois comprendre ou lire le texte lui même, grâce à lui « surgissait de nouveaux fantômes du passé romain. »

Participant au Concile de Constance en Allemagne, la chance va lui sourire, il va copier un manuscrit le « de rerum natura » de Titus Lucretius Carus que nous connaissons sous le nom de Lucrèce.
Le Pogge « se doutait-il que le livre qu'il remettait en circulation, participerait le moment venu au démantèlement de tous son monde ?
Ce livre va montrer « la façon dont le monde a dévié de sa course pour prendre une nouvelle direction. » il va insuffler de nouvelles façons de penser, il va faire l'effet d'une bombe dans un univers limité et contrôlé par l'Eglise.
Il est question d'atomes, d'infini sans Dieu. La religion y est assimilée à la superstition, l'amour et le plaisir sont liés, le bonheur de vivre en est le centre.
Un livre pour soigner l'angoisse de l'homme, pour magnifier la liberté, pour enseigner une sagesse tragique.
« Un poème alliant un brillant génie philosophique et scientifique à une force poétique peu commune. Une alliance aussi rare à l'époque qu'aujourd'hui. »
Le poème de Lucrèce dont Flaubert plus tard dira « Les Dieux n'étaient plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été. »

Il va influencer les arts, Boticelli lui doit sa Vénus, Giodarno Bruno y trouvera les thèses qui l'enverront au bûcher, Machiavel lui doit sa réflexion sur le pouvoir. Copernic et Galilée y trouveront de quoi nourrir leur science, Shakespeare le mettra dans ses pièces de théâtre comme Molière, Montaigne en fera son livre de chevet au point de citer Lucrèce plus de cent fois tout au long des ses Essais.

Montaigne laissa des commentaires manuscrits sur son exemplaire que l'on a retrouvé en 1989 « Puisque les mouvements des atomes sont tellement variés, était-il écrit, il n'est pas inconcevable que les atomes se soient un jour assemblés d'une façon, ou que dans l'avenir ils s'assemblent encore de la même façon, donnant naissance à un autre Montaigne ».
Plus près de nous Thomas Jefferson reconnaissait l'action de ce livre en cas de difficulté « Je suis obligé de recourir finalement à mon baume habituel ».
Stephen Greenblatt trace le parcours des livres antiques, les moments où on a pu les considérer comme perdus, ce qui les a sauvés, les manoeuvres de l'Eglise pour mettre Lucrèce sous le boisseau, la résurgence et le poids des textes sur l'évolution de la pensée, des sciences et des arts.
Son tableau de la papauté en ce temps là est tout à fait réussi « le Pape était une crapule mais une crapule cultivée qui appréciait la compagnie des érudits » et ....sans concession.
Ce livre a obtenu le Prix Pulitzer et c'est bien mérité, un livre prestigieux, passionnant qui se lit comme une enquête policière qui porterait en sous-titre « à la recherche d'un manuscrit »
Stephen Greenblatt est érudit au point de pouvoir disparaitre derrière l'érudition, son livre fait revivre cette période avec fougue, il nous pose les clés de l'antiquité sur un beau coussin de velours.

Lien : http://asautsetagambades.hau..
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critiques presse (3)
LaViedesIdees
29 juillet 2013
Stephen Greenblatt propose un récit original du tournant de la Renaissance en montrant que la redécouverte du poème de Lucrèce en 1417 a fait basculer le monde dans la modernité. L’ouvrage se concentre sur l’homme qui découvrit ce manuscrit et permit sa circulation dans les milieux humanistes italiens. Mais le livre ne tient pas toutes ses promesses.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Telerama
17 juillet 2013
Humaniste florentin, le Pogge a sillonné l'Europe à la recherche de manuscrits oubliés. Sa quête philosophique prend ici l'allure d'un roman picaresque.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaLibreBelgique
08 juillet 2013
La découverte d’une copie en 1417 eut un effet explosif sur la Renaissance. Un succès mondial salue sa brillante reconstitution par Stephen Greenblatt.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (111) Voir plus Ajouter une citation
"De la nature" n'est pas une lecture facile. Le poème est composé de sept mille quatre cents hexamètres non rimés, la forme choisie par les poètes latins Virgile et Ovide, lesquels imitaient Homère. Divisé en six livres dépourvus de titres, il alterne des passages d'une impressionnante beauté lyrique avec des méditations philosophiques sur la religion, le plaisir et la mort, des réflexions complexes sur le monde physique, l'évolution des sociétés humaines, les dangers et les joies du sexe, et la nature de la maladie. La langue est souvent difficile, la syntaxe complexe, et l'ambition intellectuelle considérable.
Il en fallait davantage pour décourager le Pogge et ses savants amis. Ces hommes maîtrisaient parfaitement le latin, ils étaient prêts à résoudre toutes sortes d'énigmes textuelles et s'aventuraient avec plaisir et curiosité dans les arcanes plus impénétrables encore de la théologie patrisque. Un unique coup d'oeil aux premières pages du manuscrit de Lucrèce suffit sûrement à convaincre le Pogge qu'il avait découvert un ouvrage remarquable.
Mais sans doute ne comprit-il alors que cette oeuvre menaçait tout son univers mental. S'il avait perçu la menace, il aurait peut-être remis le poème en circulation malgré tout : retrouver les traces perdues du monde antique était son but suprême, le seul principe - ou presque - qui échappât à la désillusion et au rire cynique. Ce faisant, il aurait pu prononcer ces mots murmurés par Freud, dit-on, à l'oreille de Jung, alors qu'ils pénétraient dans le port de New York pour recevoir l'accolade de leurs admirateurs américains : "Ne savent-ils pas que nous leur apportons la peste?"
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Au milieu du VIe siècle, au cours de la guerre des Goths et dans la période plus sombre qui suivit, les derniers ateliers de fabrication de livres fermèrent et ce qui restait du marché du livre périclita. Tout commerce avec les fabricants de papyrus d'Egypte avait cessé depuis longtemps, et en l'absence d'un marché commercial de livres, les ateliers de parcheminerie, où les peaux d'animaux étaient transformées en supports d'écriture, étaient tombés en désuétude. Les moines durent alors apprendre l'art difficile de restaurer le parchemin existant et d'en fabriquer de nouveaux. Leur objectif n'était pas d'imiter les élites païennes en plaçant les livres ou l'écriture au centre de la société, ni d'affirmer l'importance de la rhétorique ou de la grammaire, ni de valoriser l'érudition ou le débat, mais de fait ils devinrent les principaux lecteurs, bibliothécaires, producteurs et conservateurs des livres dans le monde occidental.
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Quand j'étais étudiant, je passais souvent à la coopérative de Yale, à la fin de l'année universitaire, pour trouver de quoi lire pendant l'été. J'avais très peu d'argent, mais la librairie bradait régulièrement ses invendus qui s'entassaient pêle-mêle dans des caisses que je fouillais, sans idée préconçue, attendant qu'un titre attire mon attention. Lors d'une ce ces explorations j'ai été frappé par la couverture extrêmement étrange d'un livre de poche, illustré par le détail d'un tableau su peintre surréaliste Max Ernst. Sous un croissant de lune, très haut au-dessus de la Terre, deux paires de jambes - les corps manquaient - étaient engagés dans ce qui ressemblait à un coït céleste. L'ouvrage - une traduction en prose du poème de Lucrèce, De la nature (De rerum natura), vieux de deux mille ans - coûtait dix cents. Je l'ai acheté, je l'avoue, autant pour la couverture que pour l'exposé classique qu'il contenait sur le matérialisme de l'Univers.
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Dans la Rome païenne, le paroxysme de cette recherche du plaisir se jouait dans l'arène des gladiateurs, où elle croisait le paroxysme de la douleur infligée et endurée. Si Lucrèce proposait une version moralisée et purifiée du principe romain de plaisir, le christianisme proposait une version moralisée et purifiée du principe romain de la douleur. Les premiers chrétiens, méditant sur les souffrances du Sauveur, les péchés de l'homme et la colère d'un Père juste, jugeaient absurde et dangereuse l'idée de cultiver le plaisir. Au mieux, le plaisir était une distraction sans intérêt, au pire, un piège démoniaque, représenté par ces femmes séduisantes sous les robes desquelles on aperçoit des pattes griffues dans l'art médiéval. La seule vie digne d'être imitée, celle de Jésus, témoignait largement de la présence inévitable de la douleur et de la tristesse dans l'existence mortelle, mais pas de celle du plaisir. Les premières représentations picturales de Jésus partagent une même sobriété mélancolique. Comme le savait tout lecteur pieux de l'Evangile de Luc, Jésus pleure, mais aucun verset ne le montre riant ou souriant, encore moins à la recherche d'un quelconque plaisir.
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Le Pogge n'aimait pas les moines. Il connaissait pourtant des frères remarquables, des hommes érudits et d'une grande rectitude morale, mais de manière générale, il les trouvait superstitieux, ignorants et d'une paresse désespérante. Pour lui, les monastères étaient des repaires d'individus inaptes à la vie dans le monde. Les nobles y envoyaient les fils qu'ils jugeaient inadaptés, trop frêles ou bons à rien ; les marchands y envoyaient leurs enfants attardés ou paralytiques ; et les paysans, des bouches impossibles à nourrir. Les plus robustes avaient au moins l'avantage de pouvoir exploiter les jardins ou les champs adjacents, mais pour la plupart, pensait le Pogge, c'était un ramassis de fainéants. Derrière les murs épais des cloîtres, ils marmonnaient leurs prières et vivaient des revenus de ceux qui exploitaient les vastes terres de leur monastère.
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