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Critique de Levant


Avec Rocher de Brighton je fais connaissance avec Graham Greene.

Il m'a fallu longtemps pour entrer dans ce roman. Un décor de grisaille, une intrigue qui démarre laborieusement, des personnages à l'amertume chevillée à l'âme créent d'emblée une ambiance lourde, soutenue par une écriture qui lance comme de grandes lacérations dans une ambiance de froideur pernicieuse. Une écriture moderne, sans fioriture.

Ce roman est une longue souffrance. Je l'ai ressentie comme tel à sa lecture. J'y ai progressé presqu'à contre coeur, mais avec l'inflexible avidité de savoir qui sombrerait dans la noirceur. Le piège s'était refermé sur ma voracité morbide.

C'est le roman de la crispation d'une jeunesse perdue. Il n'y a pas de désespoir dans cette souffrance. Il y a pire. Il y a prééminence de l'instinct de mort sur l'instinct de vie. Une issue certes inéluctable mais consentie, presque convoitée. Il en résulte un grand dégoût pour la vie et tout ce qui peut l'engendrer, au premier rang desquels l'amour, tant sentimental que charnel. Surtout charnel. Pinkie Brown, le jeune délinquant héros de l'intrigue, est révulsé à l'idée d'avoir des rapports sexuels, encore plus à celle d'être un jour responsable de projeter un être innocent dans la vie, cette route qui ne conduit nulle part.

Dans chaque rencontre entre les protagonistes, on s'attend au pire, au coup fourré, à la traitrise. La seule brèche sentimentale dans cette cuirasse d'amertume se focalise sur le personnage de Rose. A 16 ans elle est éprise de Pinkie. Elle a pourtant bien conscience de vouer sa vie à l'errance dans les arcanes de l'aigreur meurtrière de l'élu de son coeur. C'est en toute lucidité qu'elle l'épouse et le suit dans ses intentions malsaines, y compris celles concernant son propre avenir, celui aussi de ce couple improbable, quelque peu saumâtre, qu'ils forment tous les deux.

Elle ne peut non plus attendre aucun secours de la religion. "Le diable la possédait comme nous possédons Dieu dans l'Eucharistie – par les entrailles. Dieu ne peut échapper à la bouche pécheresse qui absorbe volontairement sa propre damnation". Roman noir s'il en est. D'autant plus noir que la sécheresse de coeur s'est installée au fond de l'être de jeunes pas encore sortis de l'adolescence, fermant ainsi l'avenir à tout optimisme.

"Je voudrais espérer, mais je ne sais pas comment".

Roman de toutes les nuances de gris jusqu'au noir absolu. Jusqu'à la dernière page on espère une petite flamme qui réveillerait un sentiment humain. Une lueur d'espoir.

J'ai sans doute commencé un peu fort avec Graham Greene en choisissant cet ouvrage. Je le ressens comme un auteur capable de créer des ambiances absorbantes. J'espère qu'il est capable d'avoir la même virtuosité dans un registre plus léger.
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