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Critique de Musa_aka_Cthulie


Troie est tombée, il n'en reste que des ruines. Les femmes ne sont plus qu'un butin à se partager, et nombre d'entre elles attendent, prisonnières des Achéens (les Grecs) de connaître le sort qui leur est réservé. Ainsi Hécube, qui fut reine et l'épouse de Priam. Ses enfants sont morts - Hector et Pâris, ainsi que la jeune Polyxène sacrifiée au tombeau d'Achille ; entre autres, car la famille est assez nombreuse. Lui restent sa fille Cassandre, déjà destinée au lit d'Agamemnon et qui perd la raison, sa belle-fille Andromaque et son petit-fils Astyanax. La roue a indubitablement tourné et Hécube n'est plus qu'une pauvre vieille se lamentant sur son sort et sur celui de Troie, se traînant dans la poussière, vêtue de loques (Aristophane s'est d'ailleurs assez moqué d'Euripide, qui n'hésitait pas à régulièrement mettre en scène des personnages loqueteux).

On sait dans quel contexte difficile, la guerre du Péloponnèse, a été écrite cette pièce, et je ne reviendrai pas dessus pour en avoir déjà parlé à propos d'autres tragédies grecques. Ici, nous noterons juste que la funeste prise de Mélos en -416 a probablement inspiré Euripide. Il faut en tout cas reconnaître à Eschyle (oui, même lui, même si ce ne fut pas toujours le cas), Sophocle et Euripide d'avoir fait rupture, chacun à leur manière, avec l'épopée homérienne qui glorifiait les hauts faits des Grecs lors de la guerre de Troie. Et on doit particulièrement à Euripide, notamment avec Les Troyennes, d'avoir pris pour sujet les conséquences désastreuses de la guerre de Troie sur les vaincus.

Avec Les Troyennes, c'est le triomphe du pathétique. Les femmes de Troie, après avoir vu leurs époux et leurs fils mourir au combat, vont devenir esclaves, vont être violées (quand elles ne l'ont pas déjà été). On pourrait penser que, après tout, vu le statut des femmes de l'époque, le viol n'est pas plus pris en compte que ça. Or ce n'est - étonnamment ? - pas le cas, cette forme d'humiliation est dénoncée régulièrement. C'est, tout de même, qu'il s'agit de princesses, de prêtresses, et que les Grecs sont allés un peu loin, même pour Athéna désormais en colère. Hécube occuppe le devant de la scène, mais la réussite de la pièce vient certainement aussi du fait que Cassandre, Andromaque, le chœur des Troyennes, le choryphée, lui font écho constamment et renouvellent constamment le pathétique incarné par la reine déchue, en scandant leurs malheurs actuels et les malheurs à venir. Hécube est cependant la représentante à la fois pitoyable et digne de ces victimes, subissant les coups du sort les uns après les autres, dont le dernier n'est pas le moindre, se relevant une dernière fois pour accuser Hélène de tous les maux subis par Troie (Hélène étant, avec Ulysse, le personnage qui en prend régulièrement plein la tronche dans les tragédies grecques), pour finalement se laisser porter, sans forces, vers les nefs achéeennes.

J'imagine sans mal que le contexte du théâtre grec antique, et notamment le jeu du chœur, magnifiait ce terrible concert de lamentations.



Challenge Théâtre 2018-2019
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