AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de LicoriceWhip


La narratrice de Anges s'appelle Colline, mais parfois elle laisse la place à sa folie, qui devient personnage à part entière. Quand elle avait 14 ans, Colline a été Miss, avant de taper dans l'oeil du directeur d'Elite. Rebaptisée Lynn, elle a été illico bombardée New Face et pendant un an, s'est fait un beau bas de laine en posant aux quatre coins du monde. Que s'est-il donc passé entre sa majorité et les jours présents où Colline porte des lentilles pour cacher ses yeux bleus, de la teinture pour dissimuler sa blondeur, pèse 120 kilos à force de se goinfrer de sachets protéinés, arbore un bec de lièvre arrangé au couteau à pain, un nez cassé au marteau et des dents jaunies à l'acide chloridrique? Colline a décidé d'être enfin aimée pour elle-même. Première étape : devenir très laide. Ensuite, trouver un petit garçon (avant ses 12 ans, comme pour les nymphettes d'Humbert Humbert) et le purifier, comme ça il n'aura plus de désir, donc il aimera avec un coeur pur. Purifier, c'est castrer au sens propre le gamin. La première fois, elle s'est fait surprendre par sa famille, donc elle a fait quelques années de prison. Toujours suivie par son contrôleur judiciaire, Colline n'a rien oublié de sa mission divine, quasi christique et tout en le bernant, reluque du côté de la pension de jeunes garçons celui qu'elle va enlever pour en faire son ange.

Le roman est terriblement balourd et très loin du thriller promis. Colline est une campagnarde qui vit à la ferme avec ses parents, mais devient une star dans l'univers du paraitre. Elle ne subit aucune violence sexuelle, mais ne supporte pas le désir qu'elle inspire aux hommes qui l'entoure. D'où l'urgence à devenir très vilaine et apprendre à souffrir comme une religieuse en pleine découverte de la mortification de la chair. Elle travaille dans un magasin d'outils coupants et contondants. Et bien sûr, elle castre des petits garçons avant leur puberté. Pourquoi des petits garçons et pas des petites filles ? Parce que Colline est hétéro. Pourquoi pas : son personnage est complètement cinglé et ne fait pas dans la dentelle.

Mais le tout est compressé sur moins de 200 pages et ôte toute tentative de profondeur aux sujets abordés dans le texte. La ferme familiale est réduite à un décor, idem pour l'agence Elite et ses intervenants, tous plus caricaturaux les uns que les autres. Il y avait pourtant matière à raconter, développer, avancer par touches pour construire un univers faisant lentement monter la sauce et la tension du malaise qui anime Colline. Mais tout cela nous est refusé, tout comme la case prison. Il est certain qu'on ne doit pas tout mâcher au lecteur, qu'il doit être capable de construire aussi l'univers qu'on lui donne à voir, mais là trop d'éléments manquent pour donner du crédit à cette tueuse totalement fabriquée jusque dans sa façon de parler. Car le procédé stylistique qui consiste à mélanger première et troisième personne du singulier est par trop voyant pour fonctionner: chaque phrase commence par Colline (le personnage) et se termine par “je” (la folie) et vice-versa. C'est épuisant. Notamment dans les passages qui constituent les flash-backs de Lynn la mannequin, qui a priori n'était pas cintrée à l'époque: là aussi, on mélange allègrement la première et la troisième personne du singulier dans les phrases sans que cela soit justifié. Jusqu'à à en rajouter dans le charcutage et l'effroi avec un art consommé du remplissage, comme si elle biffait sur une liste toutes les horreurs qu'elle pourrait infliger à sa narratrice - comme ça, pour le plaisir.

Les nombreuses références bibliques ne soutiennent en rien sa structure narrative, sa langue relativement pauvre et ses procédés littéraires trop faciles pour être honnêtes. Faire un livre sur la folie meurtrière, surtout en se glissant dans la peau du narrateur, c'est l'un des exercices les plus difficiles en littérature. Surtout quand on prétend être crédible et dénonciateur.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}