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Critique de Junie


En nous faisant le récit de sa douloureuse mutation, John Griffin veut nous convaincre que la ségrégation raciale est une monstrueuse injustice.
En 1959, dans les Etats du Sud, un Noir ne peut ni boire, ni manger, ni voyager à côté d'un Blanc, ni fréquenter les lieux réservés aux Blancs. Les écoles, les théâtres, les cinémas, les toilettes publiques sont pour "White only".
Les Noirs sont relégués comme des pestiférés, victimes de tous les préjugés sur l'infériorité supposée des personnes de couleur: ils sont stupides, aiment le vice et la saleté, ivrognes, brutaux, en proie aux pulsions les plus bestiales, et ne sont bons qu'à faire les basses besognes. Ils sont une menace pour les braves fermiers, les bons citoyens qui ne doivent pas hésiter à les lyncher, les chasser, les insulter, les reléguer. Dans les anciens Etats Confédérés, les Afro-américains vivent avec la peur, n'osent pas lever les yeux sur un Blanc, ni répondre aux insultes et aux humiliations.
Un siècle a passé depuis la victoire des Yankees sur les Sudistes. Des lois ont été votées, mais ne sont pas appliquées. Dans les faits, on continue de marginaliser et d'opprimer les coloured people. "Tu es Noir; tu es condamné." C'est l'absurdité de ce sort misérable auquel des millions de personnes sont vouées que ressent profondément l'homme qui a osé endosser la peau d'un autre. Dans d'autres Etats, les droits des citoyens noirs sont mieux respectés.
"Des images sorties de livres et de films me revinrent- les dentelles, les vérandas ombragées aux colonnes blanches avec des mint juleps servis par des Nègres impeccables en livrée, les privilèges, le parfum des magnolias, les champs de cotonniers où "des Nègres joyeux et satisfaits" travaillaient le jour et ensuite se réunissaient chez leurs maitres blancs bien-aimés pour leur chanter des spirituals après dîner....
Ici, ce soir, j'étais assis sur une planche en bois, j'avais les lèvres barbouillées de graisse de viande, je devais me cacher aux regards méprisants des Blancs..."
Après la publication de ses articles, Griffin et sa famille sont obligés de s'éloigner et de se cacher, il est pendu en effigie et des menaces de mort lui sont adressées, ses voisins et amis se détournent de lui. Il a trahi les Blancs, il s'est souillé et on le traite de communiste! Mais il est soutenu par certains écrivains et journaliste et reçoit aussi 6000 lettres de sympathie.
Son livre est un témoignage extraordinaire, et l'idée sera reprise plus tard par un journaliste allemand qui écrira "Tête de Turc", en 1986. Cette méthode d'infiltration dans un milieu pour en dénoncer les abus et les irrégularités préfigure le mouvement des "lanceurs d'alerte" et du journalisme d'investigation comme contre-pouvoirs dans la société.
Rendons hommage à J.H. GRIFFIN, à G. WALLRAFF et à ceux qui vont au fond du puits pour en faire sortir la vérité.
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