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Critique de nidohata


Une douleur me transperce le coeur, un couteau en plein coeur.». On voit l'auteur sombrer dans un récit où il enfile les mots comme des perles... Non! comme des braises ardentes sur un tissu de malheur. D'une écriture en trémolos, il livre un duel acharné avec le destin qui lui a injustement choisi ce terrible châtiment. Toutes les douleurs s'émoussent à l'image des galets dans le fleuve du temps. Pas celles du coeur. Celles-là sont inoxydables et leur intensité est à la mesure de l'attachement pour le disparu. «Je m'agenouille et je caresse la terre qui la couvre. La terre est tendre, elle s'effrite entre mes doigts. Tendre comme celle qu'elle recouvre.» «Ce qui me rassure, c'est que je ne vivrais pas, Dieu merci, autant de temps sans toi.» Au bord du déni, Grine, refuse tout, rejette tout. «Je veux rester tel que je sens avec mes souffrances. Souffrir me rapproche d'elle. Ma douleur est muette. Je me hurle que dans mon pauvre coeur. Ce serait bien qu'il meurt d'amour.» Dévasté par le chagrin, l'auteur doit maintenant affronter le monde extérieur. Une autre dure épreuve, d'autant que certains brillent par leurs indélicatesses. «La douleur ne se partage pas. Elle est interne. Elle sévit. C'est une compagne sombre, exigeante qui nous ronge d'autant plus dure qu'elle n'est pas apparente.» Au fil des chapitres, entre deux sanglots, s'affirme la volatilité du bonheur dans ce bas monde. «La vie, voyez-vous, c'est du Fellini: derrière les rives pointent toujours, une embuscade, les larmes!», écrit Hamid Grine. «La vie est un combat perdu d'avance», tranche Kafka, roi de l'absurde. «Oui, c'est justement parce que ce combat est perdu d'avance qu'il faut croquer à pleines dents chaque instant de cette vie», lui réplique Camus. Dans la pièce d'à côté, le curseur philosophique est placé au centre. Entre l'absurde de Kafka et la témérité de Camus à répéter les choses, il y a la «Grinitude» pour qui le bonheur est un plat qui ne se réchauffe jamais. Mais ce n'est pas un renoncement. Il puise alors dans ces tréfonds et se rappelle de cette sentence de sa défunte mère «Au plus fort, de ma détresse je pense à elle. À chaque fois que je ploie. Je pense à elle et pour ne pas rompre je me dis: ‘'Il faut que je sois digne d'elle''.». «Il faut que je résiste comme elle. Ne pas gémir, ne pas exhiber sa peine en public surtout ne pas faire pitié, car pour elle, la pitié engendre les mépris.». Il se relève péniblement et termine son récit sur une perspective interrogative: «Que vais-je devenir sans toi?». «Que serai-je devenu sans toi?». L'endeuillé doit apprivoiser la douleur de l'absence. Il n'a plus le choix et c'est justement dans ce choix obligé que tout le drame réside. Pour le reste, tout le reste, on ne possède éternellement que ce qu'on a perdu...
Source: journal l'Expression, juin 2022
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