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Critique de colimasson


Tout le monde connaît le concernement et certains peuvent même aimer le petit frisson d'adrénaline que provoque chaque rencontre avec autrui. Il faut alors réagir pour éviter l'affrontement : yes, je t'ai bien vu, bonjour et comment ça va, ou évitement plus ou moins réussi mais l'expérience finit par aider. Un exemple :

« Je travaille seul dans une bibliothèque, quelqu'un entre. Sans me retourner, je suis « concerné » par sa présence, je sais qu'il est là. Quand je parle avec quelqu'un, en-deçà des mots échangés, un lien tacite nous unit. Un impondérable concernement n'émerge-t-il pas de deux personnes dont les regards se croisent ? Ces données élémentaires témoignent de l'ajustement et de l'adéquation de chaque être humain à ses semblables ».


Dans le cas de la psychose naissante, le concernement se généralise et s'étend à toutes les situations d'une manière qu'il n'est plus possible de contrôler ni d'endiguer. Pour Henri, c'est « l'emballement d'une fonction interindividuelle normalement muette », ou au moins discrète.


La notion de concernement a fait l'objet d'un essai plus détaillé dans « Naître à la folie ». Dans « Grandeur de la folie », Henri établit à présent une généalogie de la notion associée aux événements de sa propre vie. Cette mise en scène un peu dramatique ne me semble pas forcément nécessaire mais certains y trouveront peut-être leur compte. On comprend la manière dont cette notion s'est progressivement développée à travers ses expériences professionnelles, ses rencontres et les influences des institutions dans lesquelles il a patiemment oeuvré. En arrière-plan se dessine ainsi le panorama psychiatrique d'une certaine époque.


Si l'intuition d'un concernement inhérent à la psychose naissante ne fait pas de doute pour Henri, il se demande quand même qu'en faire. Faut-il sortir le grand mot sur un plateau en argent pour réconcilier le psychotique avec le défilé des signifiants ou n'importe quoi d'autre de filant entre les doigts ? Sans encourager ni amener son patient à aimer ce sentiment de concernement, le nommer et le reconnaître peut déjà être d'un grand bénéfice. Psychiatre de formation, Grivois tolère mieux les médicaments que la parole psychanalytique qui déchaînerait le concernement. Lorsque les signifiants glissent, il vaut mieux éviter toute chiquenaude verbale qui les feraient choir encore plus vite. Ne pas déranger la folie dans ce qu'elle a de rare. « Grandeur de la folie », le titre n'est pas pour rien. La folie ne nous semble dérangeante (bizarre, admirable, condamnable, effrayante) que parce que nous ne pouvons négocier avec elle. Comme tout bon psy- qui est venu au psy- par amour de la folie, à une époque où cet amour était encore possible, contre la normalisation déprimante de notre époque, HG suggère l'impensable de notre temps :

« Les chamans à leur façon respectent le silence des patients. Ils quittent le village et partent avec eux dans la montagne. Cette passivité asiatique, ce respect du silence conviennent-ils mieux aux psychotiques que notre activisme industriel et médicalisé ? »
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