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Critique de beatriceferon


Si Agathe Pinoche est une langue de vipère qui passe son temps à colporter des ragots dans le village, Arnold Callembert, lui, n'aime rien tant que concocter des farces de goût douteux dont sont victimes les habitants de la région. Et justement, il en imagine une, énorme, dont il se délecte déjà et dont la cible sera la médisante.
Mais attention, ne dit-on pas souvent que « tel est pris qui croyait prendre » ?
Cette histoire n'est,en fait, qu'une brève nouvelle, éditée sous la forme d'un livret de petite taille, certes, mais luxueusement, sur beau papier crème. Elle ne compte que trente-neuf pages, mais quel bijou !
La justesse du ton et le mordant de l'ironie vous cueillent dès la phrase d'incipit : « Arnold Callembert était à l'humanité ce que l'ulcère est à l'estomac : une plaie qui se nourrissait des malheurs de ses contemporains en rappelant de temps à autre son existence de façon douloureuse... »
A la manière de la Bruyère, l'auteur focalise son attention sur trois caractères entre lesquels se joue une tragi-comédie des plus jouissive (pour le lecteur s'entend!)
Arnold Callembert, qui se réjouit de semer le mal autour de lui et dont tout l'art est de « manoeuvrer habilement pour dresser les gens les uns contre les autres ». Agathe Pinoche, « une quinquagénaire désagréable », dont le plus grand plaisir est « d'alimenter la chronique locale de quelques ragots nauséabonds ». Enfin, Justin Mathot, le boucher, « de nature joviale (…) un brave homme », mais accablé « d'un défaut majeur : une avarice aussi tenace que le péché originel ».
En dépit de la brièveté du texte, l'auteur arrive à glisser quelques anecdotes réjouissantes (enfin, pour nous) telles que le récit des hauts faits d'armes d'Arnold Callembert aîné, le prétendu héros de la famille, l'accident d'Émile Pinoche, qui passe plus de temps à « l'estaminet "Aux deux enclumes" » qu'à « nettoyer les allées du parc municipal. »
Des descriptions très brèves sont des pièces d'orfèvrerie : « le jeune poilu [qui] avait préféré mettre un peu de distance entre les combats et lui » est le digne descendant du Candide de Voltaire, qui, en pleine guerre, se croit tout simplement autorisé à aller se promener droit devant lui, bien loin des lignes ennemies. Émile fréquente un bistrot où « le rouge maison avait rarement le temps de prendre la température du verre ». Estomaquée, Agathe « ouvrit puis referma la bouche (…) comme le ferait une carpe en détresse d'oxygène », puis, flattée « ne sentit jamais le dard de la moquerie sous le miel des propos flatteurs. »
Francis Groff construit une intrigue qui mène à un point d'orgue, mais, lorsqu'on croit avoir atteint la fin, il sort de sa manche une carte à laquelle on ne s'attendait pas.
Cette nouvelle est un pur délice et je l'ai savourée le sourire aux lèvres. Ne vous en privez pas.
J'adresse un merci tout particulier à l'auteur qui a eu la gentillesse de me l'offrir.
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