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Critique de berni_29


Une femme fuyant l'annonce est une ode dédiée à toutes les mères et j'y ai donc été particulièrement sensible en tant que fils. Mais peut-être est-ce tout simplement un texte qui s'offre à toutes les femmes.
David Grossman parle ici d'une terre qu'il aime, d'une terre meurtrie, maculée de sang, d'une terre divisée par la guerre, il dit l'absurdité de la guerre, à tel point que des générations naissent les unes après les autres, sur cette terre où le seul destin qu'on leur apprend, d'un côté comme de l'autre et de haïr l'autre, donnant bêtement raison aux armes, aux barbelés, aux murs, aux pierres qu'on jette sur l'autre en face, à une haine viscérale, sans permettre l'effort pédagogique d'expliquer et de comprendre...
Elle s'appelle Ora, quel nom magnifique !
Les Israéliens ne naissent pas guerriers, on leur apprend à le devenir, trois ans d'éducation militaire,- le mot « éducation » est sans doute galvaudé ici, suffisent pour en faire des "pitbulls" bien dressés à l'encontre de l'ennemi palestinien de l'autre côté et les lâcher comme des fauves derrière leurs grillages. Et comme la guerre engendre la guerre, comme la haine attise la haine, en face ce n'est guère mieux. David Grossman, écrivain averti et sensible, sait cela mieux que personne, ayant payé un lourd tribut en perdant son fils en mission au Liban au moment où il écrivait ce livre et cela rend les pages encore plus éprises de douleurs...
Certains Israéliens, comme David Grossman, ont l'intelligence et le courage de dénoncer l'absurdité de cette guerre qui n'en finit pas, rêvant de paix enfin... À sa manière, il mène, aux côtés d'autres personnes engagées au sein de son pays, un combat pour cette paix, car oeuvrer pour la paix est aussi une forme de guerre avec des adversaires qui ne supporteraient pas un seul instant qu'Israël rejoigne cette paix.
À l'issue de son service militaire, le fils cadet d'Ora, Ofer, s'est porté volontaire pour mener un combat ultime et de plusieurs jours, vingt-huit jours précisément, contre une ville palestinienne, se coupant du reste du monde. Sa mère décide d'accomplir durant ses vingt-huit jours une randonnée en terre de Galilée,-l'endroit est loin d'être anodin, qu'elle avait initialement prévue avec Ofer. Elle maintient son projet et part avec un autre homme, Avram, amour de jeunesse, cet amant qu'elle n'a jamais oublié...
C'est un voyage autant physique qu'initiatique, chemin intérieur où résonne en elle déjà les affres d'un pressentiment à venir... C'est une pérégrination où les mots se tissent dans ce dialogue en chemin avec un homme qu'elle a aimé, avec ce fils qu'elle attend qui lui ressemble un peu, convoquant le passé, la mélancolie, l'écho et la force des mots qui semblent, durant ce chemin fait de sables, de pierres et de larmes, disposant ainsi des matériaux nécessaires pour construire une citadelle, une muraille, un songe permettant de reculer au plus loin l'annonce à venir...
Tant que les mots s'édifient ainsi, elle sait qu'elle maintient son fils Ofer en vie, alors elle parle, elle parle, telle une Shéhérazade contant toute la nuit et les autres nuits à venir, faisant ainsi venir des vagues de mots pour reculer la mort dans son ressac...
Est-ce une fuite en avant, un chemin qui prolonge un peu le dénouement à venir ou un retour sur le passé ?
Les paysages désertiques, comme cette terre de Galilée, terre ô combien symbolique, ont cela de grandiose qu'ils peuvent tout inventer et accueillir l'absence, lui donner corps...
Les paysages désertiques sont immenses pour tout accueillir...
Accueillir le geste insensé des guerres stupides et qui perdurent, accueillir le chagrin des mères qui pleurent des enfants morts ou qui vont mourir...
Accueillir nos émotions dans le sable des pages qui viennent plus tard...
J'ai aimé ce récit comme un regard particulier et sensible posé sur une mère, mais les mères, nos mères, sont aussi des femmes qui ont aimé et été aimées...
C'est un livre épris d'humanité.
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