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Critique de Fleitour


Le Journal d'Irlande de Benoite Groult est un bonheur de lecture, un carnet de voyage dont les mots polissent les souvenirs, de mots dessinés, croquant la vie simple et éphémère des pêches à pied, de descriptions en pochades fixant les plaintes du ciel, de couleurs allant du sépia aux gris de payne trouées par des orangers fiévreux.


Toute l'aventure irlandaise du couple Benoite Groult-Paul Guimard, est ainsi contée au fil des jours, tout au long des étés passés sur la côte ouest à Benavalla sur la route appelée "The ring of Kerry". Depuis leur décision de construire leur refuge jusqu'à leur dernière incursion dans l'île pour la vente de leur demeure, nous vibrons au rythme de leur passion pour ce pays magnifique et austère.


Le couple a la fibre marine chevillée au corps, et une inaltérable addiction à la pêche, et plus sournoise encore à la pratique de la pêche à pied.
Souffrant du même mal, des mêmes hallucinations marines, je retrouve décrites, toutes nos pratiques et la même ferveur à noter nos prises, nos records, ou la chute brutale des réserves de palourdes
Ainsi nos séjours en Irlande sont finement calculés pour capter les très grandes marées.


Les tenues du couple sont adaptées pour affronter le drizzle (mur d'eau typique de l'Irlande) formant un assemblage coloré proche du cirque, ne permettent pas de les confondre avec ceux de la Baule.
Cette maladie irlandaise les a contaminée, malgré le froid et la fatigue, l'humidité et les gerçures. Difficile de regretter Doëlan les bouquets y sont si rares ! Là en deux heures de marée, on capte 1 à 2 kilos de belles crevettes, à chaque coup elles viennent sauter dans le haveneau, et faire ce bruit délicieux tchac, tchac, tchac...
Benoite ou Paul doivent se tenir prêts dès l'aube, pour lancer le Drennec, le nouveau bateau, car tout se complique quand le marin affronte la houle. "Réveillée dès 5h30, partie à 7h30 pour aller relever le tramail, : 6 lieus.(page 141)."

L'Irlande est fou, mais elle est douce aux fous.(p 140).

C'est pourtant dans cette ambiance, que le couple reçoit famille, amis, personnalités comme les voisins irlandais ou français. Paul est un ami exquis plein de sollicitude pour les figures cultivées de passage.
C'est Kurt l'ami américain qui vient parfois s'installer dans la chambre de Benoîte, son amant éternel. Benoîte Groult est à l'aube de la vieillesse, les tonalités de la vie figent les souvenirs, il faut écarter les regrets, glaner encore un peu de bonheur.
Pour le bonheur et la joie de se sentir aimé c'est Kurt, avec ses maladresses et sa dévotion.

"Il faut être vraiment deux fois plus gaie, deux fois plus drôle, deux fois plus riche, et deux fois plus généreuse pour ne pas basculer dans le camp des vieillards avouait-elle page 269".


Il a conquis Benoîte, corps et âme. Non il n'y aura pas de mariage, malgré le veuvage de Kurt. Sa grand silhouette est une parade à la déprime, un rempart aux vents des jours fiévreux dans lesquels la santé de Paul bascule.
"Paul fait des siestes interminables l'alcool le rend cotonneux, il ressemble à une holothurie quand il se déplace (p 261)."


Le temps est sombre tel un ciel d'Irlande noyé dans le drizzle. on finit par s'habituer aux gris et "par lui trouver des nuances écrit-elle page 260". Quand parfois la carcasse de son homme ne tremble plus, ne vogue plus, " le spectre de la vieillesse décatie et de la vieillesse impotente s'invite à sa table (page 258)".


Comment relancer le moteur le jour où tout est profondément enfoui et congelé, par quel chemin revivre ? La ballade irlandaise tient grâce aux enfants aux amis de passage, tant que la pêche vous stimule.
Benoîte Groult a le désenchantement gracieux et paisible, les notes d'humour chantent encore à ses paupières la faisant rire aux larmes. J'ai dégusté cette dernière coquille, écoutez le murmure douillet du couple, "Les pieds n'ont rien à faire, quand on lit : ils peuvent mener une vie à part. Ils se rejoignent se caressent, se font des signes de tendresse pendant que leurs propriétaires font bande à part, en haut ! (Page 280)".

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