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Critique de Mermed


Le plus bel emplacement commercial dans la rue la plus commerçante de la ville fut cédé du jour au lendemain sans que personne n'ait été au courant...
Personne ne connaissait le montant de la vente, ni le nom de l'acquéreur, pas plus ce que deviendrait cet espace convoité.
Le mystère s'épaissit d'autant plus que les travaux se faisaient derrière de hautes palissades,
les ouvriers, interrogés, ignoraient quel commerce y serait installé.
Puis un jour, on leur demanda de mettre un panneau annonçant l'ouverture cent jours plus tard et de changer le nombre de jours chaque soir. Passèrent ainsi quatre-vingt-dix-neuf jours – entre suppositions, ragots, médisances, soupçons et jalousies – jusqu'à  l'affichage attendu : 'ouverture demain'.
Comme on peut l'imaginer, de nombreux curieux furent là pour voir ce qui s'offrirait à leur vue une fois les palissades démontées – les ouvriers avaient dit que cela se ferait à minuit.
Le silence se fit quand on découvrit qu'il n'y avait aucune indication, et que du fait des volets (peints dans les teintes des gris chics de ces temps) on ne pouvait rien voir de l'intérieur.
Seul un panneau indiquait les heures d'ouverture : 9h30-13h, 14h-18h 46m,.
Tous partirent aussi déçus qu'impatients de se retrouver devant les vitrines et les portes un peu avant neuf heures et demie.
Il y avait beaucoup de monde ce matin là, quand cinq minutes avant neuf heures et demie, un homme traversa le foule et ouvrit la petite porte latérale. Deux minutes avant neuf heures et demie, les volets se soulevèrent.
Tous purent voir que sur un sol en marbre gris - cela on le savait déjà – il n'y avait qu'un tabouret et un perroquet, et sur le mur du fond une grande horloge avec une seule aiguille qui égrenait les minutes. L'homme accrocha soigneusement son manteau sur le perroquet et il s'assit sur le tabouret.
La matinée se passa ainsi, l'homme immobile sur le tabouret et les curieux qui se succédaient devant les vitrines, s'y attardant assez souvent mais n'entrant pas dans ce magasin (était-ce un magasin ?).
À treize heures il ferma le magasin, puis revint à quatorze heures.
L'après-midi se passa comme la matinée; de plus en plus de curieux et même des journalistes locaux se massèrent devant les vitrines.
À dix-huit heures quarante-six, l'homme prit son manteau, ferma les volets et partit sans que personne ne lui pose la moindre question.
La journée du lendemain fut exactement le même que la veille, mais il y eut encore plus de monde et des journalistes de la presse nationale ainsi que des radios et une télévision locale.
La troisième matinée se déroula comme les deux précédentes, mais on ne pouvait plus passer: des curieux, des journalistes et des cars de télévision bloquaient la rue.
À quatorze heures l'homme revint, ouvrit la porte et s'installa sur son tabouret.
À l'instant où l'aiguille de l'horloge marquait six, une femme poussa la porte, la laissa ouverte et entra,
Bonjour Madame
Bonjour monsieur. Que vendez-vous ?
Je ne vends rien, j'échange. Il se tut un instant et poursuivit :
pour des poussières de temps
...
je demande des miettes d'attention;
et...quoi d'autre ?
les journées disjointes et les temps rejoints...
Échangeons donc...
L'homme souffla dans sa main:
Voici.
Et moi, que dois-je faire ?
Vous venez de le faire.
Merci, au-revoir Monsieur.
Au-revoir Madame.
La femme ressortit l'horloge affichait vingt-huit minutes.
Les minutes avaient été aussi parfaites que cet échange.
L'homme se leva, mit son manteau, ferma les volets et partit.
Le magasin est resté fermé depuis.
© Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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