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Critique de le_Bison


Une fois n'est pas coutume, je vais te dire pourquoi j'ai choisi ce livre. Un nom, tout d'abord, Einar Mar Gudmundsson, et son premier roman, « Les Anges de l'Univers », qui m'avait déjà à l'époque profondément ému, troublé, perturbé. J'avais ressenti tant de poésie dans la plume de cet auteur, malgré l'étrangeté du sujet. Puis, ce livre réédité en ce début d'année, maintenant, « le Testament des Gouttes de Pluie », rien que le titre me met déjà en transe. Poésie du titre et funeste rêverie, je ne pouvais que y accéder. Belle couverture, ensuite, qui me fait encore plus rêvasser d'une aventure dans les landes islandaises. Je retourne la couverture et je lis que c'est un roman pour ceux qui aiment le silence, ceux qui aiment lire le silence, ceux qui savent apprécier le silence, le comprennent, le vivent. Et la pluie, aussi. le silence, ça me connait, c'est toute ma vie, je devrais dire, des silences pas forcément compris, mais ainsi va la vie, ainsi va les émotions qui submergent et je sens dès la première page que je vais être englouti par ces silences et cette tempête qui s'annonce par la noirceur de la pluie et des nuages qui masque jusqu'à la lueur d'une lune bleue.

Je n'ai même pas envie de te raconter l'histoire, car il n'y a pas d'histoire – et je ne suis pas doué pour conter les histoires. Il n'y a qu'un silence qui s'embarque entre les lignes et sur les rives de Reykjavik. Il n'y a pas d'hommes non plus, ni de femmes, juste des âmes qui errent dans ces lieux qui s'assombrissent d'heure en heure. Tu t'engouffres alors dans un pub où, assis sur une selle, le conteur conte des contes d'un autre temps. le temps a disparu lorsque tu t'adosses au mur, un verre de bière à la main, un chien noir couché et puant le chien mouillé, la bière chante son refrain d'appel comme ces sirènes au loin qui t'entraînent au-delà du ressac. Tu fermes même les yeux, bercé par la voix du conteur et la voie de la bière où ton esprit divague et s'enfuit dans les vagues. Un bateau à la dérive, et des fantômes s'élèvent des cabines, les pêcheurs morts sont de sortie ce soir on dirait, et tu écoutes leur silence, dans cette intense pénombre d'une nuit qui ne finit pas. le vent. Il souffle, te frappe le visage, comme la claque de ta femme qui te voit rentrer chaque soir saoul, la tête remplie d'étoiles et des beaux rêves de ce conteur intarissable ou de ces sirènes à la poitrine généreuse mais inaccessible. L'obscurité.

Je n'ai pas non plus envie de te prendre la main pour t'emmener dans cette obscurité, si sombre, si noire qu'elle me donne envie d'y rester, de prolonger mon séjour, quitte à me retrouver dans l'hôpital psychiatrique qui rode dans les ruelles abandonnées de cette ville. Non, il faut y aller par toi-même, c'est l'exigence d'un tel texte, la sensibilité de chacun à parcourir ce monde de silence où les hommes ne disent rien, mais ressentent intérieurement, la peur, la tristesse, l'amour. Oui, j'ai envie d'y retourner, la magie de cette nuit, le tonnerre qui gronde, et les gouttes de pluie qui se déversent sur mon visage, le regard porté sur ce rivage, le vent qui s'engouffre sous le bas de la porte du bar et souffle sur la mousse de ma Skøll ice-berry. Oui, j'ai envie d'y rester, dans les profondeurs de ces ténèbres, la cloche de l'église sonne la nuit glacée, mon glas car un tel voyage est la fin d'une vie.

Un roman lunaire.
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