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Critique de fulmar


« Gouttes de pluie
Coulent derrière la vitrine de mon enfance
Ruissellent sur le bitume de mes souvenirs ».

Ce poème d' Alain Bonati colle à merveille à ce testament islandais.
Le réalisme magique dans toute sa splendeur.

Ce p'tit bouquin, c'est une succession infinie de rêves éveillés, c'est une émanation continue d'hallucinations en tous genres.

Cet écrivain, c'est un esprit déjanté, loufoque, maboul, frapadingue.

Deux mots, qui fracassent comme le tonnerre. Suivis de phrases interminables, qui déboulent comme une avalanche.
Il rit des intempéries et les transforme en feu d'artifices qui nous réjouissent.


« Qui sait…

Mais c'est le soir et la tempête qui se déchaîne dans les rues porte avec elle une question qui n'obtiendra sa réponse qu'en regardant l'océan, la mer cruelle et hérissée qui, avec sa crinière écumante composée de monstres marins sauvages se rue sur les rochers où les mouettes effrayées perdent la raison alors que les vagues inondent la grève, mouillant instantanément le sable qui, l'espace d'un instant, luit alors qu'elles se retirent ».

« Et soudain.
A travers la voûte du ciel toute drapée de noir jaillissent des éclairs aussi gros qu'une planète. Il fusent à une telle vitesse qu'en un instant, on dirait que tous les corps célestes explosent haut dans le ciel. Alors la terre s'illumine d'une lueur bleutée, fulgurante, et une clarté fugace vient frapper maisons en pierre et immeubles ».

Le calme après la tempête, et toujours la permanence dans l'insolence, des envolées qui nous emportent dans son délire inassouvi.

« Le silence.
Il est suspendu aux perles de lumière scintillante, aux appliques murales à côté de la table, aux ampoules Osram blanches comme la neige, aux abat-jour blanc crème.
Le silence.
Il joue à l'harmonium, virevolte au-dessus du petit autel de la salle à manger et dialogue avec les rideaux tout en aspirant les images pieuses à l'intérieur de leur cadre.
Le silence.
C'est un aveugle avec sa canne. Il entame un solo de batterie dans l'évier de la cuisine, tire la chasse d'eau et transforme les gouttes de pluie qui cinglent les vitres en orateurs qui, juchés dans leurs chaires comme des bosses sur un dos haussent de plus en plus la voix.
Ils haussent le ton, encore et encore jusqu'à former un choeur d'hommes à plusieurs voix tellement écrasant que même les serpillières se bouchent les oreilles.
Oui, le silence.
C'est un rêve qui renaît suspendu en l'air ».

Tout bruit qui résonne se transforme en mutisme omnipotent.

« Il pousse un cri de douleur, un aïe silencieux »

Un oxymore dans le décor, un silence assourdissant.

Gouttes de pluies !
Opium de rêves dorés de souvenirs en filigranes.
Tout baigne dans un univers subtilement érotique et sensuel, où phonétiquement les objets deviennent les zobs-jets, un univers dans lequel la vie rêve d'un merveilleux bonheur temporel !
Les phrases coulent langoureusement comme un fleuve inondant le coeur de bonheur !


« L'espace d'un instant, on dirait que l'obscurité éblouie de bleu s'irise de lumière jaune et ils voient clairement la voûte céleste traversée par un chariot de feu bourré à craquer de sirènes aux poitrines généreuses, aux cheveux dont les boucles sont autant de rayons de soleil et aux lèvres si désirables, si tentantes, que même les chastes pêcheurs bandent ».

Et ces mots qui reviennent inlassablement tout au long du texte.
Vareuses, doudounes à capuche, bière, placard à balais.
On se croirait envoûté par la sorcière du conte de Gripari. Et pourtant, on n'est pas rue Broca, mais à proximité d'un hôpital psychiatrique. HP, comme Haute Potentialité, les sons et les images sont exacerbés, l'âme du bison se profile, ça plane à cinq mille, envie de rester en apesanteur.

« Les gouttes de pluie transparentes tombent sur leurs vareuses vertes et déchirées, caressent leurs paupières telles des larmes de tristesse et, quelque part, bien loin au creux de l'obscurité, on dirait que le vent tend son bras vers une flûte traversière rutilante.
Il la porte d'abord aux lèvres détrempées de l'univers, s'emplit les poumons d'air et se livre à quelques exercices respiratoires à peines audibles ».

Rêver, ça part dans tous les sens, les cinq en alerte.
Rêver, ça se lit dans les deux sens, tout dépend de l'endroit où l'on place le sire qu'on flexe, vous savez, celui qu'a l'accent. Un palindrome imaginaire bien que réel.

« Quelqu'un s'étonnera-t-il qu'à posteriori, on ait l'impression que tout cela n'était rien qu'esbroufe, mensonges, hallucinations et poudre aux yeux, comme si la réalité se réduisait à une illusion qui s'allume par intermittence dans le regard des gens ou bien à des balivernes colportées par des langues mouchetées de pluie : des balivernes où même l'imaginaire devient réel alors que le visible s'évapore ».

Mais y a quand même bien une histoire, non ?
Pas une, plusieurs, infinies, des histoires dérisoires, des personnages sans âge, des lieux merveilleux, des émotions sans dévotion.
Ce bouquin ne se raconte pas, il se vit.
Démo ? Non, des mots. Délire de lire. Et la douleur ? Elle se meurt.

« Rappelle-toi cependant que les rêves sont toujours bénéfiques, oui, même lorsqu'ils sont mauvais, ils sont quand même bons car ils purifient l'âme, un peu comme une course de natation. Je crois même avoir lu quelque part qu'on peut les considérer comme les peignes fins avec lesquels on attrape les poux de l'esprit ».

Il faut croire en ses rêves.






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