J'ai été attiré par ce livre principalement à cause de son sujet qui forcément entre en résonnance avec ce que nous vivons depuis 2020, même si les deux sujets n'ont pas grand-chose de comparable. Globalement, il a maintenu mon intérêt jusqu'au bout, j'ai eu plaisir à le lire et trouvé très intéressant de découvrir l'
Institut Pasteur de l'intérieur.
Tout ceci vaut bien trois étoiles. Mais je n'arrive pas à mettre plus car je lui ai aussi trouvé bien des défauts, tant sur la forme que sur le fond.
Au début, j'ai été surpris par l'emploi du présent. On pourrait penser que cela doit nous donner l'impression d'être au coeur de l'action, toujours sur le vif, et pourtant mon ressenti fut inverse. Comme si raconter au présent donnait un caractère un peu scolaire au récit et en ralentissait le rythme. On s'y habitue très vite au fil des pages mais c'est peut-être ce premier élément qui m'a mis en alerte et conduit, malgré moi, à être attentif au moindre détail.
Patrick Guillain est microbiologiste spécialisé dans les maladies infectieuses, il sait donc de quoi il parle… peut-être trop. On sent que le chercheur a du mal à s'effacer derrière l'auteur. Il a donc à coeur de nous définir le jargon propre à son domaine à grand renfort de renvois en fin de chapitres. Ce n'est pas inutile mais ça casse beaucoup le rythme de lecture. J'ai vite pris le parti de ne pas les consulter systématiquement. Ces explications sont très intéressantes mais, à mon avis, auraient mieux trouvé leur place à la fin du livre. D'autant plus que pour un néophyte comme moi certains termes utilisés dans les notes nécessiteraient à leur tour une explication.
Par ailleurs, si l'on fait le choix éditorial d'éclairer le lecteur au point même de définir le mot « Ecouvillon », alors des termes comme « Mage-Orc » ou « Wahhabite » auraient tout autant mérité une note, mais eux n'appartiennent pas au domaine scientifique…
J'ai relevé aussi quelques éléments irritants tels que, en vrac, des répliques qui ne sont pas naturelles (mais globalement les dialogues sont plutôt bien rendus tant au niveau des chercheurs que de la police), quelques phrases bancales (très), et un élément de l'histoire qui pour moi ne tient pas la route (mais ce n'est pas l'élément clé de l'intrigue). Je n'en dirai pas plus ici mais pour ceux qui ont déjà lu le livre vous trouverez tous les détails en texte caché (moi aussi je prends goût aux renvois).
C'est un premier roman et
Patrick Guillain a l'étoffe d'un auteur prometteur, avec beaucoup de connaissances et un talent certain pour les mettre en scène. Sa plus grande difficulté sera sans doute d'arriver à être moins technique, sinon on aura souvent l'impression de relire le même bouquin.
Enfin il me semble utile de rappeler que lorsque l'on critique un livre nos commentaires portent sur un produit fini dans lequel l'éditeur a sa part. Je ne sais pas comment se passent les échanges entre auteurs et éditeurs (et je ne suis pas sûr que tous les éditeurs travaillent de la même façon) mais je crois que dans le cas présent certains points négatifs sont à mettre au compte de l'éditeur.
Un point qui m'a irrité :
Maud est un personnage atypique arborant un look gothique et fan de musiques métal. Pour bien nous le faire comprendre l'auteur n'y va pas de main morte :
- Maud remonte le son de son autoradio qui diffuse Paradise Lost, l'un de ses groupes de métal gothique préférés (chapitre 2, page 24),
- Elle stoppe en éteignant l'autoradio au milieu de la chanson Blood and Chaos, (chapitre 2, page 28),
- Les gendarmes peuvent entendre le son étouffé de No Hope In Sight alors que la petite fiat s'éloigne (chapitre 2, page 31).
- Maud gare sa Fiat Panda rouge […] et coupe Désintégration, du groupe Theatre of Tragedy, qui sort des enceintes de la voiture (chapitre 3, page 41).
Le même principe revient quatre fois en moins de 20 pages, ça se remarque forcément. On finit par penser à des indications sonores dans un scénario. Heureusement cela se calme dans la suite du livre, notamment parce que Maud utilise beaucoup moins sa voiture.
Quelques répliques qui « sonnent faux » :
Préambule, page 11 : « Marc se retourne vers son collègue, le coeur battant à cent à l'heure : -Ramène les masques et mets tes gants ! Et préviens l'hôpital ! C'est la Mort noire ! C'est la peste ! » L'ambulancier identifie immédiatement la peste et en rajoute en la nommant « Mort Noire », alors que celle-ci est sortie depuis longtemps de la mémoire collective en France et de plus, comme il est précisé plus tard (page 24), « ce n'est plus un sujet très bien enseigné au cours des études de médecine ». Donc peut-être efficace pour lancer l'histoire mais pas très crédible.
Chapitre 10 : Christophe dit : « L'année dernière, j'ai eu un accident. Un chauffard dans une Mégane verte m'a foncé dessus alors que je traversais la route en face de chez moi. » Une phrase aussi précise à propos d'un accident remontant à un an et dans la bouche d'un personnage stressé par un interrogatoire m'a parue suspecte. N'importe qui dirait « voiture » ou simplement « Un chauffard m'a foncé dessus », mais pas « Mégane verte ». Mais l'auteur tient à nous signaler ce détail qui s'avérera important plus tard. Il me semble qu'il aurait été plus discret de la mentionner deux lignes en dessous quand le capitaine se réfère au rapport d'enquête. Depuis ce passage un coin de ma tête attendait la réapparition de la Mégane verte…
Chapitre 12, page 145 : Samuel dit : « Je ne discute pas de religion, ce n'est pas mon truc. Mais c'est une femme très gentille qui ne ferait pas de mal à une mouche, et certainement pas une wahhabite fanatique ». Franchement, je ne vois pas comment un chercheur passant le plus clair de son temps dans un laboratoire et ne s'intéressant pas à la religion pourrait employer spontanément un mot comme « wahhabite ». Au mieux il aurait dû employer « intégriste ».
Chapitre 19, page 217 : « - Capitaine, c'est Benjamin Alimi. Ça y est, ça bouge. » Je ne pense pas un instant qu'un inspecteur appelant au téléphone son capitaine avec lequel il a l'habitude de travailler s'annoncerait en utilisant nom et prénom, surtout dans l'urgence.
Chapitre 19, page 218 : « Gérard roule à plus de soixante kilomètres à l'heure dans le centre de sa petite ville de banlieue… » Diable ! le capitaine est certainement en excès de vitesse puisque celle-ci doit être limitée à 50, mais on ne sent quand même pas trop la précipitation (alors qu'il vient d'entendre que la maison du suspect a explosé au nez de son adjoint !).
Un point de l'histoire qui ne tient pas la route (sous-titre : le retour de la Mégane verte) :
Lors de la perquisition de la maison du terroriste Ivan Metchnikov on découvre qu'il possède une Mégane verte dans son garage et pour ceux qui n'auraient pas fait le rapprochement le capitaine nous confirme, dans ses dernières explications à Samuel (chapitre 20), que Metchnikov est bien l'auteur de l'accident qui a failli coûter la vie à Christophe Wolfe.
Je veux bien croire que le FSB ait envie de se débarrasser d'un témoin gênant, mais pas en utilisant Ivan Metchnikov. Ce dernier est le seul biologiste capable de mener à bien les travaux de modification de la cellule souche de la peste. le FSB prendrait-il le risque de le perdre dans le cas où l'élimination de Christophe tournerait mal ? Qui plus est, Metchnikov aurait utilisé sa propre voiture ? Je ne le pense pas.
Les phrases bancales :
Page 26 : « Il fallait dorénavant suivre les cas contacts et à les isoler de leurs proches. »
Page 193 : « Daniel Bovet fronce les sourcils. Samuel passe à la seconde deuxième rajoutée et explique : »
Page 222 : « Mais ses découvertes n'étaient pas été rendues publiques, pas partagées avec la communauté scientifique. » Celle-là, même Word sait la repérer !!
A ce niveau, j'ai presque envie de parler de fautes… professionnelles de la part de l'éditeur.
Et pour terminer, un dernier détail qui confirme que l'éditeur aurait pu mieux faire : Ils ont tellement voulu créer de notes que le sigle EPI est expliqué deux fois : renvoi n° 26, page 91 et renvoi n° 43, page 209 (rappelons qu'un EPI est un Équipement de protection individuelle).