Le haras des Baumugnes

-L'Argentine est en train de se réconcilier avec sa mémoire , elle règle ses comptes avec le pan douloureux de sa mémoire , d'anciens bourreaux seront jugés , les enfants enlevés , reconnus par leurs vraies familles font valoir leurs droits et sont autorisés à prendre leur véritable identité s'ils le désirent .

Le retour de Pablo . C'était un leitmotiv ! Quand Pablo sera de retour... Quand Pablo sera là ...
Deux mois passèrent . Il appelait de temps en temps . : les choses avançaient, d'anciens généraux tortionnaires étaient condamnés pour leurs crimes , les grands-mères de mai ne désarmaient pas et les enfants dans ce cas , les presque trentenaires qui , reniant leurs parents adoptifs revendiquaient un changement d'identité , obtenaient satisfaction .

- Tu es venu me demander des comptes , n'est-ce pas ?
-Oui .
- Il y a vingt-sept ans que je redoutais ce moment ...
- Eh bien , il est arrivé !
- Je n'espère pas ton indulgence , mon fils ...
- Je ne suis pas votre fils !
Le vieillard ne voulut pas prêter attention à l'objection . Le regard perdu , il se souvint :
- La seule chose qui manquait à notre bonheur , c'était un enfant , Isabella était stérile , elle dépérissait de désespoir . Un de mes compagnons d'armes de l'époque - c'était une époque bénie ! - me signala une femme , une communiste , incarcérée à la cacha et qui attendait un enfant . Elle était , selon lui , jeune et bien portante . J'allai la voir , ou plutôt , l'apercevoir , depuis le judas de sa cellule . Elle était belle , robuste ...
Pablo eut un haut le corps : il croyait entendre parler d'une des juments de l'estancia !

Mais vous parlez divinement bien notre langue , il y a longtemps que vous êtes en France ?
- Deux semaines à peine , mais ma nourrice était française ...
-Votre nourrice ?
La jeune femme s'étonnait de ce qu'un postulant palefrenier ait pu bénéficier des soins d'une nourrice étrangère . Elle s'étonnait aussi de son allure . Son physique était pour le moins impressionnant . Il était grand , beau , et elle pensa immédiatement à Antonio Banderas : même prestance , même chevelure , mêmes yeux de braise et surtout , même sourire éclatant . Pour dissimuler son trouble , elle invita l'hidalgo à pénétrer dans la demeure .