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Critique de Marie987654321


Les maladies mentales ont une histoire. La schizophrénie est apparue au tournant du XIX-ème et du XX-ème siècle pour devenir, dans la deuxième moitié du XX-ème, la principale cause d'hospitalisation psychiatrique. Aujourd'hui, elle est susceptible de disparaitre des classifications psychiatriques.
Pourtant cette catégorie scientifique, bien qu'éphémère, a créé une réalité pour les malades et leurs familles et les a assignés à cette identité, leur infligeant un destin au sein des établissements de la psychiatrie asilaire.

Tel est le point de départ de la réflexion historique d'Hervé Guillemain. Celui-ci a choisi de travailler à partir des dossiers des patients internés : il raconte l'histoire de ceux qui ont été ainsi désignés et non pas l'histoire de la maladie du point de vue des médecins.

L'analyse des dossiers montre d'abord un profil sociologique des malades : femmes domestiques, urbaines ou rurales, militaires revenant de la guerre, immigrants. le plus souvent des déracinés en décalage avec les aspirations de la société. La schizophrénie apparait donc bien surdéterminée socialement.

Le diagnostic de démence précoce, conçue comme une maladie chronique incurable, va les conduire à l'enfermement à l'asile, parfois durant toute leur vie - si du moins ils survivent au taux de mortalité particulièrement élevé qui règne en ces lieux. L'auteur raconte le destin de certains patients enfermés dans l'entre deux guerres et morts à l'asile dans les années 60, 70 ou 80. Il nous explique également les traitements qu'ils subirent : lobotomie, électrochocs, injections de toute sorte. L'auteur n'a pas pour objectif de critiquer ou de démonter les tentatives des psychiatres avec l'oeil du prétentieux vain qui sait parce qu'il se place 50 ou 70 ans plus tard, mais celui de nous raconter le sort et la souffrance incroyable des malades, parfois volontaires pour ces traitements que la science pensait adaptée.

Rétrospectivement, pourtant le lecteur non spécialiste comme moi s'effraie, s'interroge en découvrant que des médecins ont pu trouver légitime d'infliger aux malades de telles souffrances. Ces savants ont probablement agit du mieux que la science de l'époque le permettait ; mais la sensibilité d'alors ne conduisait pas à prendre trop en considération le point du vue du malade, surtout s'il était fou et de basse condition sociale.

Enfin, Hervé Guillemain s'intéresse aussi à la façon dont le sort des patients a été géré par l'administration et fait ressortir le peu de considération pour leur destin ou leur condition de vie. Cela est illustré par le nombre de malades parisiens transférés en province, éloignés de leur famille pour des raisons de coût sans que le sens ou la cohérence de ces transferts apparaissent des archives. Il vécurent souvent des privations, notamment en période de guerre où ils sont simplement oubliés jusqu'à mourir de faim.

« Portée par un désir de faire science et une volonté de prévenir la diffusion des psychoses juvéniles – ambitions que d'aucuns pourront considérer comme des plus nobles -, la nouvelle psychiatrie issue du mouvement de la réforme de la deuxième moitié du XIXème a contribué à inscrire le sujet délirant dans une condition tragique » (page 283)
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