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Critique de Nastasia-B


C'est une initiative fort louable de l'éditeur Rue Du Monde, sous la houlette de son directeur Alain Serres, de vouloir mettre en contact des auteurs renommés et de très jeunes enfants afin, espère-t-on, de leur permettre " d'interroger et d'imaginer le monde " (la formule n'est pas de moi, d'où ces guillemets).

J'aime aussi la démarche, un peu citoyenne, un peu écolo, un peu artiste. Passons maintenant au résultat. Il s'agit d'un petit poème d'Eugène Guillevic qui a été segmenté en à peu près autant de pages qu'il comporte de vers, à une ou deux exceptions près.

Le tout est mis en image (c'est le cas de le dire) par Clotilde Perrin. Chaque illustration se poursuit sur la double page suivante et l'on pourrait les accoler toutes les unes aux autres pour en faire une grande frise.

Le propos, tant du poème que des illustrations, est de montrer que dans le sol, il y a toute une vie trépidante et bariolée, toute une microfaune ultra diverse qui s'y agite tandis que nous nous en faisons " l'image " d'un ensemble homogène et calme.

La gageure pour moi maintenant consiste à dire simplement mon avis : triple gageure car j'aime le côté " poésie alternative " de Guillevic, j'aime la démarche de l'éditeur, j'apprécie beaucoup l'illustratrice, qui est une personne charmante, mais…

… mais si j'écoute mon cœur et ma raison (ça va être compliqué cette histoire, Nastasia), et si je tiens à être parfaitement honnête avec moi-même il me faut confesser que j'adhère moyennement à l'ouvrage. J'en suis désolée, sachez-le, mais c'est la vérité, du moins, ma vérité.

Premièrement : le poème choisi, bien que très court, fourmille de néologismes et de termes complètement vide de sens pour les jeunes enfants auxquels le format et le type d'illustration s'adressent. Sur une même double page, lorsqu'il n'y a que six mots et que vous devez en expliquer deux à chaque fois, selon moi, il y a un problème de proportion.

Deuxièmement : les illustrations, bien que très créatives, bien que propices à l'imaginaire, me semblent manquer cruellement de connaissances anatomiques sur les insectes, vers annélides et autres myriapodes. (Je ne parle même pas des échelles de proportions qui font que les lapins de garenne ont la même taille que les iules ou les grillons.)

Quand je vois des " insectes volants " munis de 2 pattes, 4 pattes ou même de 21 pattes et jamais de 6 pattes comme c'est ce qui en fait pourtant la définition, le restant de biologiste en moi s'insurge. Quand je vois des vers annelés affublés d'antennes ou d'ommatidies, je me dis que les enfants n'auraient rien perdu à ce que tous ces petits animaux soient représentés avec des caractéristiques anatomiques compatible avec la réalité.

C'est d'ailleurs le cas pour les espèces plus familières que sont les lapins ou les taupes. S'il ne vient pas à l'idée de dessiner un lapin à trois yeux et à 12 pattes, pourquoi l'idée devrait-elle venir lorsqu'il s'agit d'arthropodes, de vers ou de mollusques ?

J'en terminerai avec un dernier point qui me chiffonne un peu, à savoir, la logique propre du texte et des illustrations. Le texte s'amuse des sonorités de la langue et donne tout de suite l'impression d'un joyeux bazar dans l'humus. Les dessins, quant à eux, invitent plus, selon moi, à une descente progressive toujours plus en profondeur dans les arcanes du microcosme qui vit sous nos pieds et que nous ne soupçonnons pas.

Ce faisant, les images ne répondent pas forcément au propos du texte, à l'endroit où le texte évoque telle ou telle chose, ce qui aurait peut-être pu aider à la compréhension de certains termes délicats. Par exemple, le vers (pas le ver, le vers) « Ça s'étripe et se désélytre » aurait vraisemblablement gagné à être illustré par des combats de coléoptères, lesquels combats n'apparaissent qu'à la page suivante et ne font pas intervenir des coléoptères tout en étant accompagnés d'un autre vers de sens très différent.

(— Pas un ver, un vers, mais je l'ai déjà faite, je crois. Pour me faire pardonner je veux bien vous offrir un verre, pas un ver, un v…
— Bon okay Nastasia, on a compris. Il est d'ailleurs grand temps de se mettre au vert, d'enfiler ses petites pantoufles de vair, de prendre une verveine car là on court droit vers la sénilité. Ma pauvre, c'est un calvaire.)

Mais ceci n'est bien évidemment qu'un avis piqué aux vers, c'est-à-dire, bien peu de chose, même vu du sol.
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