AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Apikrus


En 1937, l'auteure et son mari militaient activement et sincèrement pour le Parti Communiste d'Union Soviétique.
Cette année-là, Staline intensifia sa politique répressive contre les prétendus ennemis de l'Etat (il s'agissait plutôt d'ennemis supposés de Staline lui-même, dont le nombre fut proportionnel à sa paranoïa).
Après s'être vue retirer sa carte de membre du Parti - pour avoir jadis fréquenté un intellectuel coupable de prises de positions contraire à la ligne du Parti - Evguenia fut poursuivie et emprisonnée pour ce même motif. Suite à une instruction à charge (assortie de pressions diverses pour l'obtention d'aveux et de témoignages contre d'autres), elle fut condamnée à dix ans d'emprisonnement. Son mari, coupable d'être l'époux d'une condamnée politique fut ensuite lui aussi arrêté. Les jeunes enfants furent confiés à la grand-mère.
D'abord recluse en isolement, Evguénia partagea ensuite sa cellule avec une autre victime de la répression soviétique. L'isolement fut particulièrement difficile, d'autant plus que des gardiens prenaient plaisir à accentuer les souffrances des détenus. Heureusement, Evguénia put communiquer avec des prisonniers voisins au moyen d'un code et de coups aux murs (comme le font des personnages du roman "le Zéro et l'Infini d'Arthur Koestler consacré aux Purges).

L'exécution de Nicolas Iéjov le 5 février 1940 (Ежов, 1895-1940, chef suprême du NKVD et principal artisan des Grandes Purges de Staline, surnommé "le nabot sanguinaire" il aimait participer aux séances de tortures), suscita un grand espoir chez de nombreux détenus. C'était ignorer que Staline tirait les ficelles du système répressif, et compter sans la nomination du zélé Lavrenti Béria (Бе́рия 1899-1953), celui que Staline avait présenté comme le chef de la 'Gestapo soviétique' auprès de Ribentrop lors de la signature du Pacte Germano-soviétique (septembre 1939). Staline mort le 5 mars 1953 (peut-être grâce à Béria ?) n'eut pas le temps de faire exécuter Béria, mais les successeurs de Staline s'en chargèrent…
En 1939, de nombreux prisonniers, dont Evguénia, furent transférés en camp de travail forcé : après l'isolement et une cellule partagée à deux, elle s'est ainsi retrouvée groupée avec de nombreuses autres victimes, toutes serrées dans le compartiment fermé d'un wagon de marchandises, puis dans un fond de cale de bateau.

Ce témoignage recoupe en de nombreux points ceux d'autres victimes de la répression soviétique, notamment celui d'Alexandre Soljénitsyne dans 'L'Archipel du Goulag' (lequel cite d'ailleurs Guinzbourg à plusieurs reprises). A la différence de ce dernier, Guinzbourg limite ici son propos à son vécu, sans efforts de théorisation ou de mise en perspective historique. Sa lecture n'en est que plus fluide et agréable, d'autant qu'elle porte un regard très fin sur le monde qui l'entoure. On comprend que Guinzburg ne fut qu'une victime parmi des milliers d'autres, et que la seule logique de ce système était le maintien au pouvoir, par la terreur et par la force, de celui qui s'en était emparé - un système tellement efficace qu'il ne s'effondra pas à la mort de Staline mais que ses successeurs continuèrent à l'utiliser, bien que dans des proportions nettement moindres.
On perçoit aussi la dureté des traitements subis par l'auteure, même si elle ne fut pas la plus mal lotie, puisqu'elle est revenue vivante de ces épreuves.
La suite de son récit (tome 2 que j'avais lu avant ce premier tome) est tout aussi réussie.
J'ai été surpris de prendre plaisir à lire ces deux ouvrages dont le thème n'a pourtant rien de réjouissant. Je les recommande vivement.
Commenter  J’apprécie          210



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}