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Critique de elea2020


J'ai beaucoup aimé cette nouvelle (ou court roman ?) d'une soixantaine de pages, mettant en scène le berger Benedikt, son chien Leó et son bélier Roc. Tous les ans depuis 27 ans - et c'est une sorte d'anniversaire car il en a 54, Benedikt se rend dans les montagnes pour rassembler les moutons égarés. C'est sa façon de se sentir utile à sa communauté, lui qui possède si peu, mais qui est apprécié, respecté par ces hommes et ces femmes rudes, malgré son caractère solitaire.

D'étape en étape, Benedikt aborde les dernières fermes habitées, fait des rencontres qui le retardent, mais grâce auxquelles lui et ses bêtes ont un rôle à jouer, une aide précieuse à apporter. Seuls ou accompagnés par des compagnons hommes ou ds camarades ovins, ils passent une dizaine de jours entre tempête, blizzard, temps calme où la montagne se révèle dans sa magnificence, et repos, dans un refuge en dur, dans un abri creusé dans le sol, ou même dans une construction de glace faite à la hâte pour ne pas mourir de froid. Une fois de plus, Benedikt rassemble les bêtes égarées, grâce à son lien sans faille avec son chien et son courageux bélier (j'ai un gros faible pour Roc, c'est un personnage génial !), mais il fatigue davantage cette année et s'interroge : sur sa place dans le monde, le sens de son existence, l'âge et la mort.

Le conflit avec les éléments, le froid, met les os et l'âme à nu, et force à trouver en soi les ressources nécessaires ; pendant ce temps, trois semaines passent et Noël n'est plus très loin. le berger parviendra-t-il à bout de cette tâche, certes héroïque, mais qu'il accomplit si simplement, humblement, avec un sens aigu du sacrifice ? Heureusement, il est chez lui en ces terres désolées, cet univers vierge et sauvage de neige ; il connaît le relief par coeur, au point de se retrouver dans l'obscurité lorsqu'il est en mauvaise posture. Il peut compter également sur Leó et Roc, qui ne manquent pas de persévérance ni d'intelligence - et ce ne sont pas les pages les moins belles que celles où il philosophe silencieusement en partageant un repas frugal avec ses deux fidèles compagnons. Les évocations des paysages d'Islande sont de toute beauté, on se surprend à s'imaginer glissant de nuit sur un lac gelé, environné(e) par une voûte étoilée étincelante et vaste comme le monde...

Ce texte écrit dans une langue pure, dégraissée, est un magnifique prélude poétique à cette période de l'Avent, une réflexion riche et humaniste sur l'homme, ses rapports aux autres et à la nature, le temps, la vie et la mort. Il nous met face à nous-mêmes et nous suggère de faire le point sur nos valeurs, sur ce qui importe (et pourquoi pas ce qu'on donne plutôt que ce que l'on reçoit ?). Il est d'une certaine manière une allégorie biblique - c'est du reste la très légère nuance de reproche que j'aurais à mentionner, car les allusions ne manquent pas, à commencer par la Trinité que forment le Berger, son chien et son bélier. N'ayant pas une ample culture religieuse, je ne suis pas très sensible à la dimension chrétienne de ce récit, qui reste néanmoins un très beau texte, appréciable par tous, comme le souligne l'importante postface de son compatriote Jón Kalman Stefánsson.
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