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Critique de CarlmariaB


« La Havane est un cocktail tropical envoûtant» dit le Guide vert. Gutiérrez précise : « entre la merde et les nuages impossible de trouver un équilibre » Dans le centre ville, ses voisines, mères de famille, se prostituent, mangent quand elles couchent avec le boucher et le boulanger, dépouillent les touristes, roulent des cigares et leur employeur, essayent d'éviter la merde des autres qui déborde. Gutiérrez est un optimiste : il « rend  grâce à Dieu que tout ne soit pas de la merde ». Cette phrase qui décrit un monde à moitié plein, j'y pense souvent. Elle peut s'adapter facilement. Par exemple on peut remplacer « merde » par « informatique ». A Cuba, qui ne soit pas de la merde, il y a, par exemple, la mer. Bien que la plage dégueule de détritus, Gutiérrez, tel Hugo à Guernesey, contemple les tempêtes et les petits bateaux qui dansent le mambo. C'est quand la nourriture vient à manquer, après la catastrophique chute du mur de Berlin, que la merde envahit La Havane : voila le paradoxe que Gutiérrez nous invite à méditer, poétiquement. Mais même poétiquement, pas sûr que Fidel Castro en sorte grandi. « Rien n'est politique » écrit-il. le réalisme sale de Gutiérrez c'est une métaphysique de la merde, en immersion. Allégorie des promesses non tenues, elle salit la vie matérielle et la vie spirituelle; elle est l'odeur du fiasco, l'évidence de la cagade générale à laquelle chacun contribue selon ses moyens. Elle est ausi l'inspiration de l'artiste. « Un artiste lui, il transforme ça en matière première. (...) Il en tire des sculptures, des tableaux, des chansons, des romans, des poèmes, des nouvelles, et tout ça empeste la merde fraîche. » Les paradoxes rendent Animal Tropical lisible, malgré une trame en faux-semblant. Un écrivain quinquagénaire qui dit aspirer au calme, pour écrire son roman, choisit un quartier où vrombissent les moteurs chinois montés sur les chassis de chevrolet dans un enfer de cassettes de Marc Anthony qui beuglent sur les terrasses où s'activent les mamacitas, dont la sienne, sa Gloria, qui n'aime rien tant que lui faire le ménage et l'amour, frotter et se frotter. le roman n'avance pas mais le peuple baise. Enormément, car entre deux gorgées de rhum c'est la seule volupté, la monnaie d'échange dont chaque cul est la banque centrale, et comme tout le monde fait tourner la planche à billets, il y a inflation. Livre II, il s'exporte en Suède pour un symposium littéraire, de la concupiscence et des poncifs -saumons et suicides-. A la désexotisation de la Havane, succède la contre-exotisation de l'Occident. Dans les forêts de bouleaux de la banlieue de Stockholm, l'enragé s'affole du silence, il picole, il bâcle, il s'en vante, il me lasse.
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