Il y avait dans le monde un côté sauvage qu'on ne pouvait absolument pas contrôler.
Vous passez tant de temps sur le dos d'un animal et à chaque mouvement, à chaque secousse, un peu de vous se trouve propulsé dans le corps du cheval et un peu du cheval dans votre propre corps - un transfert de l'esprit qui s'opère par cette violente osmose, une sorte de convection par l'impact, par la collision.
Elle tendit la main et lui toucha légèrement le bras. L'index de sa main droite gantée. Un contact furtif, presque imperceptible. Cela dura une seconde, peut-être, et sa main retomba à sa place, le long de son corps, mais dans ce bref instant, quelque chose était passé entre eux, un signal, un courant, et Russell sentit, aussi clairement qu'il sentait son cœur battre, qu'il se trouvait confronté à un problème. Il se rendait compte que jusqu'à présent il s'était préparé à mourir un certain nombre de fois, mais jamais il ne s'était – de manière significative, du moins – préparé à vivre.
Il était en train d'en faire un bon cheval. C'était encore une formule de son grand-père : faire un bon cheval. Comme si le vrai cheval, celui dont vous aviez envie, était enfoui au plus profond de l'animal, dissimulé sous ses poils et les mauvaises habitudes.
On ne fouettait pas un cheval. Il fallait éviter tout ce qui pouvait provoquer une douleur. On n'imposait que la discipline, et la discipline bien comprise était un art à part entière. Il fallait être un artiste. Un exercice qui ne convenait pas était perçu par le cheval comme une corvée ; un exercice bien adapté devenait un divertissement. Ce qui était inadapté était difficile ; ce qui était approprié était facile. Ce qui était inadapté provoquait une pression ; ce qui était approprié entraînait un relâchement.
Son grand-père lui avait appris que l'on reconnaît chez
l'autre ce que l'on a déjà en soi.
Et qu'un être dont le côté sauvage est modéré était toujours attiré par un être dont le côté sauvage est exacerbé.
-- Lithium, dit Wheels.
--Tu dis ? demanda Russell
-- Lithium .
--Mais de quoi tu parles , enfin ?
--De l'Afganistan, répondit Wheels. C'est pour ça qu'on a envahi ce trou perdu....Ben Laden ,mon cul .
Russell dévisagea son compagnon un bon moment.
--D'où tu tiens ça ? demanda-t-il ?
--Les téléphones portables , dit Wheels.
-- Quoi ?
--Comment tu crois que ça fonctionne , tous ces BlackBerry ? Tous ces IPod et ces ordinateurs portables ?
Ce pays possède les plus importantes réserves en lithium de la planète.
Tu crois peut-être qu'on est ici à cause d'AL-Qaïda ?
Wheels poussa un grognement en secouant la tête .
-- On a besoin de leur lithium.
--C'est toi qui a besoin de lithium ! répondit Russell.
Il y avait dans le monde un côté sauvage qu'on ne pouvait absolument pas contrôler.
Il se rendait compte que jusqu'à présent il s'était préparé à mourir un certain nombre de fois, mais jamais il ne s'était - de manière significative, du moins - préparé à vivre.
Il s'avança comme un homme en train d'essayer de nouveaux yeux.