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Critique de jemelire


Incroyable! Incroyable histoire, et magnifique récit!
La première partie nous restitue l'émotion, intacte, de Jan Karski, insoutenable, lors qu'il doit une fois encore raconter ce qu'il a vu de ses propres yeux dans le ghetto de Varsovie. D'autres récits, témoignages écrits cachés retrouvés depuis ou même images corroborent les faits décrits par Jan Karski. Cependant, c'est son impossibilité à supporter ou accepter l'inacceptable qui nous renvoie à nos propres émotions, à notre humanité.

La deuxième partie nous emmène dans un incroyable récit, presque rocambolesque, n'étaient les tortures et disparitions des proches de Jan Karski. Cette deuxième partie est consacrée aux voyages de Jan , devenu émissaire de la résistance polonaise vers les puissances occidentales. Elle nous permet une fois encore de ressentir l'urgence à transmettre les informations aux grandes puissances seules capables de sauver les Juifs d'un anéantissement.


La dernière partie, où Yanick Haenel fait parler Jan Karski m'a tout d'abord semblée faible, fabriquée. Mais rapidement, j'ai compris qu'elle était la parole de Yanick Haenel lui-même, au nom de tous, de tous ceux qui veulent comprendre comment tout ceci a pu arriver, et tentent de ne pas se voiler la face.
Face à Roosevelt : " Au bout d'une heure, je n'avais plus qu'une idée en tête, m'échapper... J'avais affonté la violence nazie, j'avais subi la violence des Soviétiques, et voici que je faisais connaissance avec l'insidieuse violence américaine... Une violence qui vous exclut par la surdité, par l'organisation d'une surdité qui empêche tout affrontement... Chaque fois, dans les pires conditions, j'avais réussi à m'échapper. Mais comment s'évade t-on d'un canapé? En sortant ce soir-là de la Maison Blanche avec l'ambassadeur, j'ai pensé qu'à partir de maintenant c'était ce canapé qui allait régner sur le monde, et qu'à la violence du totalitarisme allait se substituer cette violence-là, une violence diffuse, civilisée, une violence si propre qu'en toutes circonstances le beau nom de démocratie saurait la maquiller".
Le récit continue, fiévreux, mettant en cause les alliés qui savaient tout mais ont fait de la résistance à leur façon pour éviter d'accueillir cette nombreuse population de malheureux.
La fin de cette troisième partie nous emmène dans un lieu où l'homme est seul, face à sa responsabilité. " Personne n'échappe à cette abjection qui partage les hommes entre ceux qui meurent et ceux qui donnent la mort... Car il y a les victimes, il y a les bourreaux, mais il y a également ceux qui sont à côté, et qui assistent à la mise à mort... C'est à partir du moment où un vivant éprouve sa distance avec un homme qu'on met à mort qu'il faitl'expérience de l'infâmie."
La grande question posée est celle de l'humanité, et il termine en disant qu'il a fait l'expérience de l'impossible, qu'une partie de lui est morte au spectacle de toutes les exactions commises, mais "qu'on peut redonner vie à la parole par la parole". "Parler, c'est faire en sorte que tout ce qui est mort redevienne vivant, c'est rallumer le feu à partir de la cendre... Je crois que si l'on ne s'arrêtait plus de parler, si la parole pouvait coïncider avec la moindre parcelle de notre existence, et que chaque instant ne soit plus que parole, alors il n'y aurait plus de place en nous pour la mort."
Au final, ce livre est profond, humain, de toute beauté.

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