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Critique de read_to_be_wild


« Cette somme me permettrait de payer un loyer et de m'acheter à manger, de quoi travailler moins et passer plus de temps à la faculté. Avec deux rendez-vous mensuels, je pourrais en plus m'acheter des vêtements de marque. Les gens m'apprécieraient à ma juste valeur. Toujours la même. Elle n'a jamais changé.
Était-ce à cela que tout tenait? Au désir d'être regardée? »

Sentir mon corps brûler, Aure Hajar @aurehajar @eyrolles_romans

Un livre coup de poing: violent, dur, abyssal… mais tellement nécessaire!

Qu'est-ce qui peut pousser une jeune étudiante en droit, venant d'un milieu modeste, à se lancer dans la prostitution? le besoin d'exister, le besoin de reconnaissance de la meute, avoir de l'argent pour être vue… cela, c'est le point de départ, l'élément déclencheur!

« Très vite, je m'achetai quelques vêtements dans une boutique du 7e arrondissement:
Zadig&Voltaire. Agathe ne le remarqua même pas. Mon nouveau style hors de prix lui semblait tout à fait ordinaire.
Elle croyait que je m'appelais Lola - au lieu de Lila - et je ne la reprenais jamais. »

Et puis vient lentement, mais insidieusement, l'inéluctable descente aux enfers!

Car oui, ces femmes font le choix, mais l'ont-elles vraiment le choix? Agissent-elles vraiment librement? Et quand elles s'exposent à des situations où cela dérape, choisissent-elles le viol ou le subissent-elles?

Même quand elle pense maîtriser la situation, il y a des circonstances où Lila, la protagoniste de ce roman, s'expose, s'impose l'intolérable, l'indescriptible… des contextes où elle ne se respecte pas, plus…

« Au matin, mon esprit cessa de manifester son désaccord face à la violence endurée la veille par mon corps. Je rentrai chez moi et la rancoeur, tranquillement, s'effaça devant la liasse de billets que je tenais à la main: six cents euros. »

Nous assistons, impuissantes, à cette descente aux abîmes, et elle fait mal, elle nous heurte au plus profond de notre être, dans notre corps, notre féminité!

« Tout s'éclaircit lorsque Annabel évoqua le viol originel, survenu dans un local à poubelles, et qui nourrit par la suite son souhait de se réapproprier son corps en se lançant dans cette industrie. Ce viol comme point de départ de sa boulimie autodestructrice, savamment enveloppée dans un discours intello-féministe. »

Oui, ces femmes pensent être maîtresses d'elles-mêmes, mais au fond elles sont traîtresses de leur blessure initiale, souvent un viol subi dans l'adolescence, une dépossession de leur corps, de leur innocence, de leur féminité… alors elles recommencent, encore et encore, elles laissent aux hommes le pouvoir sur leur corps… pour exister!

« Car à bien y réfléchir, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même - et à eux, aux hommes, cela va de soi. Je crevais d'être vue par eux, voulue par eux, admirée d'eux. Leur approbation conditionnait ma vie. Alors je les flattais et leur donnais ce qu'ils attendaient, je croyais ainsi m'émanciper, m'éloigner de ma mère, défier des règles ancestrales ou religieuses. J'étais en vérité leur esclave. »

C'est une lecture qui m'a remuée, blessée, questionnée… j'ai eu mal pour toutes ces filles! Non bien sûr, je ne juge pas leurs choix, je tente de comprendre, la blessure, le mal originel… qui conditionne malheureusement cet abandon d'estime et de respect de soi!

J'ai eu mal pour elles et en même temps, j'ai découvert, avec soulagement, la puissance de la sororité et de l'entraide dans ce monde âpre et dur!

« La plupart des putes avec lesquelles j'échangeais étaient malheureuses et isolées, mais aussi courageuses et raisonnées. Je les trouvais clairvoyantes; elles dispensaient toujours des
conseils avisés.
Elles rêvaient d'un monde meilleur.
La communauté de soeurs leur tenait plus que tout à coeur.
Nous ne nous considérions pas comme des concurrentes. »

Ce roman est une leçon de vie et une réflexion sur ces violences qui conditionnent et font entrevoir comme liberté ce qui s'apparente avant tout à une absence de respect, de libre-arbitre, d'existence même… l'identité de l'escort étant niée, balayée au service du client!

Ce livre est une lecture nécessaire, sombre et crue, mais qui questionne, confronte, met en lumière l'impardonnable, le point de départ… la blessure originelle!

Comprendre pour mieux appréhender! Et avancer…

Je remercie vivement @aurehajar et @eyrolles_romans pour l'envoi de ce livre essentiel, en service presse!

Lisez-le et partagez-le, pour que ces femmes ne soient plus jamais niées, jugées, mises au ban! Mais bien au contraire, qu'elles soient protégées et que l'innocence de l'enfance ne soit plus volée/violée!
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