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Critique de domi_troizarsouilles


Et voici une nouvelle trilogie présentée en intégrale par France Loisirs. J'avais bien aimé la couverture, et sans trop savoir de quoi il s'agissait, mais attirée aussi par le synopsis intriguant, je n'ai pas résisté à l'achat.
Comme je l'ai fait pour d'autres intégrales présentées de la sorte, je vais proposer un avis pour chaque tome séparément.

Tome 1 : Rebelle du désert

Je commence la rédaction de cet avis spécifique au tome 1, alors que je suis déjà bien avancée (je dirais à peu près à la moitié) du suivant. de plus, je lis plusieurs livres en même temps et, pour peu que je sois un peu trop fatiguée, je finis par mélanger (même brièvement) les différentes histoires, qui se re-distinguent pourtant bien vite car les univers de ce que je lis sont quand même bien différents ! Dès lors, il ne faut pas s'étonner si mon avis sur cette partie-ci déborde un peu sur la suivante, tout simplement parce que je ne me rappelle pas à 100% où sont les frontières entre ces deux tomes…

Ma première impression de ce livre a été un fugace sentiment de déjà-vu, ce à quoi je pouvais m'attendre cela dit : on est dans un univers de fantasy « à l'orientale », tout comme Rozenn de Laëtitia Danae, que j'ai lu il y a bien peu de temps. Ce n'est pas une déception, après tout j'avais plutôt bien aimé Rozenn, mais plutôt une vague contrariété : si j'avais su, je n'aurais pas spontanément enchaîné (avec juste quelques livres d'écart) deux lectures dans un même type d'univers, d'autant plus que, si j'aime bien la fantasy, ce n'est pas non plus mon genre de prédilection. Et finalement, ce n'est pas un regret : oui, l'univers est très similaire, avec des points communs de-ci, de-là… mais l'intrigue et les protagonistes sont bien différents, et très vite attachants. On se laisse emporter par cette histoire… avec quelques bémols toutefois.

On découvre ainsi la jeune Amani, qui n'a qu'une idée en tête : quitter la ville poussiéreuse (poussière du désert, et poussière métallique de la fabrique d'armes qui y est installée, seule source de revenus pour la majorité de ses habitants) où elle a grandi, dans la famille de ses oncle, tante et cousins-cousines qui la détestent, elle la fille d'une criminelle, condamnée à mort pour avoir tué son propre mari. Elle a repris le rêve de sa mère : rejoindre une autre tante qui vit à la capitale, à l'autre bout du désert ; là, elle espère pouvoir prétendre à une vie meilleure. Mais ses plans ne se déroulent pas comme prévu, entre l'abandon de Tamid, son meilleur (et en fait unique) ami, handicapé, et l'irruption d'un étranger mystérieux, Jin, qui ne cesse de croiser sa route, parfois en sauvant sa vie. Les deux finissent par s'allier bon gré mal gré pour traverser le désert. Ainsi, peu à peu, Amani découvre qui elle est vraiment, et qui est Jin, jusqu'à changer ses plans pour le meilleur… ou pour le pire !

Ainsi, comme je le disais, on est dans un univers de fantasy orientale très travaillé et très convaincant, qui se dévoile petit à petit, avec ce désert omniprésent, synonyme de danger mortel ou de formidable opportunité. Les personnages d'Amani et de Jin sont très attachants, et le lecteur souhaite les voir ensemble bien avant que l'autrice évoque seulement la naissance de sentiments entre eux. Ça, c'est pour la part que j'ai appréciée.
Mais c'est aussi un monde très politique, comme je l'ai déjà souvent remarqué dans les différents romans de fantasy que j'ai pu lire : on se fait la guerre pour des frontières, pour un peu plus de pouvoir, pour des idées – quitte à ne pas avoir grand-chose à proposer à la place, si ce n'est une idée assez utopiste d'une façon de gouverner. Et franchement, même si ces parties-là sont aussi bien travaillées, même si elles sont convaincantes, ce n'est pas ma tasse de thé, et peu à peu je crois bien que j'ai décroché… Je veux bien lire un combat de temps en temps, c'est même assez intéressant, mais tous ces enjeux politico-familiaux, cette menace de guerre qui plane et les ennemis qui ne sont jamais ceux qu'on croit, j'ai du mal. Je dois avouer que, par moments, je ne savais plus qui était qui parmi la flopée de personnages secondaires, pourtant bien typés, mais trop nombreux, au sein de la Rébellion et en-dehors – or, certains d'eux ont quand même un rôle assez important… Ce décrochage ne m'a pas empêchée de suivre l'histoire dans son ensemble, mais pour tout dire : j'ai quand même passé quelques pages en diagonale, au risque de perdre des infos qui se révéleraient essentielles plus tard, mais tant pis…

Soyons justes : je me dis aussi que ce livre qui présente un univers tout à fait imaginaire manque cruellement de « repères » ! Non seulement on n'a pas de table des matières (ça n'aurait rien changé à l'histoire même, mais ça aurait eu un côté « rassurant »), mais en plus on n'a pas la moindre carte qui présenterait ce monde, qui permettrait de visualiser les forces en puissance – pour moi c'est essentiel dans ce genre de littérature. Je ne sais pas ce qu'il en est des tomes vendus séparément, mais pour cette intégrale, à ce sujet-là, France Loisirs a raté son coup !

A part ça, la plume est alerte et sympathique, fluide même dans ces passages politiques qui m'ont moins emballée. Elle est aussi très axée « young adult », ce qui n'est pas forcément gênant en soi, mais qui a sans doute ajouté à mon sentiment de ne pas accrocher comme j'aurais voulu ou espéré : tous ces personnages qui n'ont pas 20 ans ou tout juste, certains sont même encore des enfants, et les rares plus âgés ne sont généralement que ceux à combattre… disons que, vu mon propre âge, et malgré le fait qu'ils sont tous attachants, je n'ai pu m'identifier à aucun d'entre eux, même en imagination. Ce n'est pas spécifique à ce livre-ci, mais comme ici c'est très long (si on considère toute l'intégrale), il faudrait quand même que les auteurs de fantasy y pensent : il y a aussi des « vieux » qui lisent leurs livres, et qui ont envie (ou besoin ?) de pouvoir réellement « rejoindre » les personnages, et pas seulement les considérer comme des enfants turbulents qui veulent jouer aux grands, certes avec un mélange de bienveillance et parfois d'irritation, mais ce n'est pas suffisant. Dans tous ces mondes créés de toute pièce, à part les méchants ou un impressionnant Gandalf qui lui est hors d'âge, j'aimerais parfois avoir l'impression d'être « représentée » aussi parmi les personnages secondaires du côté des bons, voire même parmi les personnages principaux…

Bref, un premier tome prometteur dans un univers déjà abordé, repris ici à une sauce un peu différente mais tout aussi bien travaillée, mais qui ne m'a pas tout à fait convaincue, à cause de ses longueurs (à mes yeux) politico-familiales et de son orientation trop young adult à mon goût – ce qui n'enlève donc rien de sa valeur à ce livre, mais clairement il ne correspond pas suffisamment à ce que j'ai envie de lire actuellement…


Tome 2 : La trahison

Après la présentation du contexte et de cet univers de fantasy orientale particulier, on entre dans le « tome intermédiaire » : celui où l'action est plus lente, voire quasi-inexistante, faisant place à plus de réflexion, à ces débats politiques tellement courants dans plusieurs fantasies que j'ai lues récemment ! Il y a bien quelques mouvements mineurs en début de tome, mais très vite Amani se trouve prisonnière du harem du sultan, où la grande majorité de l'intrigue va se passer – tandis que Jin, qu'on avait légitimement considéré comme l'amour de sa vie dans le tome précédent, a tout simplement disparu, et quand elle y pense, c'est avec un mélange de déception et de colère.

Certes, quelques nouveaux personnages apparaissent, et cela ajoute au sentiment de confusion face à la multiplicité des personnages que j'avais déjà évoquée pour le tome précédent. Quelques-uns ressortent du lot (Sam par exemple), d'autres déjà connus réapparaissent et sont davantage mis en avant (Shira), mais un certain nombre sont trop secondaires pour être vraiment retenus, et pourtant prennent de la place, décidément je ne suis pas parvenue à m'y faire.

De même, comme dans le tome précédent, je déplore l'absence de représentation graphique du décor : la ville d'Izman, et plus encore le palais du sultan, est évidemment immense et plein de recoins plus ou moins secrets – déjà rien que le harem seul est gigantesque, même si l'auteure insiste plusieurs fois qu'il s'agit malgré tout d'une prison ! Une petite carte, un plan des lieux aurait permis de mieux visualiser les choses car, même si les descriptions sont bien précises et permettent de se faire une vague carte mentale, ça aurait été quand même plus « confortable ». Il y a déjà tant et tant d'informations dans un tel livre, ça n'aurait pas été du luxe de ne pas devoir, en plus, s'occuper de géographie architecturale pour tenter de s'y retrouver.

Au final, ce qui est vraiment intéressant dans cette 2e partie, ce sont les nombreuses joutes verbales entre Amani et le sultan – une Amani qui croit le manipuler et qui est bien naïve, à la limite de l'aveuglement, j'en ai été persuadée du début à la fin ; face à un sultan arrogant, sûr de lui et de son pouvoir, mais qui « joue »… et justement : il est tellement sûr de lui qu'il ne mesure peut-être pas tout à fait les choses, mais en dire plus serait spoiler ! Mais au-delà de l'intrigue propre à l'ambiance de ce désert du Miraj, c'est toute la logique politique d'un tyran qui est mise en avant, et qui pousse à la réflexion : après tout, n'est-ce pas sous le prétexte, auquel il semble croire fermement, de sauver son peuple que le sultan a tué son père incapable de gouverner ; qu'il s'est allié à des forces ennemies au risque de se voir occupé et contre qui il souhaite désormais faire la guerre ? Il est convaincant dans un rôle presque bienveillant, façon despote éclairé, qui justifie violence et autres décisions arbitraires. Tout cela n'est finalement qu'un reflet imaginaire de ce que tant de nos pays ont connu d'une façon ou d'une autre tout au long de leur Histoire !

Bref, on reste dans la lignée du tome précédent, avec un ralentissement qu'on aurait pu craindre ennuyant mais qui pose d'autres bases. Ce n'est pas pour autant un page-turner : on ne dévore pas les pages sans plus pouvoir s'arrêter, ce n'est pas à ce point, mais vraiment on a envie de savoir ce qu'il va advenir d'Amani, et on brûle de la voir rejoindre la Rébellion, un jour…


Tome 3 : La tempête

Au moment de terminer ce livre, je me suis tout à coup fait une réflexion : mais cette trilogie a la structure classique d'un concerto ! Par acquit de conscience, j'ai vérifié sur Google, qui me tend Wikipedia (https://fr.wikipedia.org/wiki/Concerto) en disant ceci :
Le concerto, généralement, comporte trois mouvements :
• le premier, vif, de forme « sonate » ;
• le second, lent, de forme « lied » ou « thème varié » ;
• le dernier, rapide, de forme « rondo ».

Bien sûr, ce sont là des généralités, chaque compositeur (pour paraphraser Wiki) « se [gardant] bien de brider [son] génie par le respect de formes figées » ; néanmoins, il y a bien de ça. Un premier tome avec beaucoup d'action, beaucoup de mouvement, des rencontres, des balles qui sifflent dans tous les sens, de la magie de djinn qui se révèle. Un deuxième tome beaucoup plus lent, qui doit compenser le manque de vivacité (au risque d'endormir le lecteur) par une plus grande profondeur, un aspect « réflexion » plus poussé (en musique, et peut-être pour certains livres, j'aurais dit « par une grande beauté », mais je ne parlerais pas en ces termes ici).

Et voici un troisième tome qui renoue avec l'action, beaucoup d'action, puisque désormais on part en guerre ! Certes, les chemins sont sinueux, mais dès le début on a des scènes de combat – ce n'est pas que j'aime ça, mais les deux premiers tomes tendent tellement vers cela, que ça aurait été une vraie déception, d'une certaine façon, s'il n'y avait rien eu de tel. Les personnages arrivent à maturité et prennent des décisions de plus en plus importantes et souvent sensées (enfin !), osent s'affirmer plus que jamais, sans renier leurs origines pour autant – de plus, certains auxquels on s'était attachés, sont balayés dans le feu des combats, ce qui donne une dimension dramatique sans laquelle tout cela n'aurait pas été crédible. C'est donc bien le 3e mouvement vif, et on devine dès les premières pages qu'il a le potentiel de terminer l'intégrale de façon convaincante.

Je ne vais pas refaire l'analyse complète des choses à ce stade : la plume de l'auteure est toujours aussi alerte et fluide, et les pages se tournent désormais un peu plus vite… difficile de dire si c'est parce que c'est tellement plus passionnant, ou parce qu'on voit qu'on arrive au bout de ce gros volume papier, ce qui est d'autant plus motivant ! ou peut-être un mélange des deux, mais en tout cas on y va, et ça passe mieux que jamais.

Je distinguerai un seul élément plus particulier dans la construction de ce troisième tome : le recours aux légendes, le pouvoir des mots (qui peuvent faire prisonnier, ou au contraire libérer un djinn) et des histoires, qui transcendent la réalité en la rendant plus acceptable, plus belle peut-être, plus compréhensible certainement. C'est ainsi que, à plusieurs endroits différents au fil des chapitres (je n'ai pas compté, mais je dirais au moins 4 ou 5 fois), on en a un très court qui poursuit l'histoire, mais sous forme d'une légende qui serait née de l'action – dans ces chapitres-là, les héros ne sont pas nommés, et leurs exploits sont déformés juste assez pour avoir l'air fabuleux, mais pas trop pour que le lecteur comprenne bien que c'est telle ou telle action qui continue. L'auteure avait déjà utilisé ce procédé l'une ou l'autre fois dans les deux tomes précédents, mais ici, comme je disais, de tels passages sont plus nombreux. Ça permet de parler de certains événements sans s'appesantir sur des passages potentiellement très durs, on pourrait presque dire que c'est une technique d'évitement, mais en même temps le fait que ce procédé soit répété et chaque fois sous un format court, ça donne du rythme à l'ensemble et ainsi j'ai bien apprécié ! Sans oublier le fait que, par l'une ou l'autre allusion dans ces chapitres ou même dans d'autres, l'auteure touche du doigt le monde tellement proche et connu (au moins de nom) des 1.001 Nuits, qui fait bien toujours un peu rêver.

Ainsi donc, je peux dire que la boucle est bouclée. Si les trois tomes ne sont pas tout à fait égaux, ils sont tous trois agréables et accrocheurs même quand ils prennent un peu plus de lenteur. Ce troisième tome quant à lui est suffisamment solide pour laisser une impression d'ensemble très positive, et on continuera de rêver un moment de ce désert, qui n'est pas si inhospitalier que ça, quand on l'aime et qu'il représente bien plus que quelques grains de sable.
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