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Critique de deidamie


« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, je vais vous parler d'un roman jeunesse de Nadia Hashimi, Ma vie de Bacha Posh.

-Ta vie de bas chat poche ?

-Mais non, pas « bas chat poche », « bacha posh ». Les bacha posh sont de petites ou jeunes filles travesties en garçon et qui jouissent des mêmes privilèges et libertés qu'eux.

Or donc la famille d'Obayda (prononcez O-baï-da) quitte Kaboul pour s'installer dans un petit village. Sa mère, désireuse d'obtenir un fils, décide de faire d'elle une bacha posh : une fille habillée et traitée comme un garçon. Selon la superstition, une bacha posh attire la chance et favorise la naissance d'héritiers mâles. Obayda le vit très mal : elle adore être une fille, danser et porter des robes ! Cependant, elle va vite découvrir que la masculinité possède ses propres avantages…

-Tiens, c'est original, ça, et ça ressemble aux vierges jurées d'Albanie*… attends… tu as bien dit « quitter Kaboul » ?

-Euuuh… oui.

-Mais alors… ça se passe en Afghanistan ?

-Oui, bonne déduction. Je vois que ta géographie ne régresse pas à défaut de s'améliorer.

-Ah ben non alors ! Je sais très bien que les femmes sont horriblement discriminées là-bas, j'ai pas envie de lire un bouquin qui va me parler d'horreurs !

-Tu as raison et tort en même temps. Raison parce qu'on ne va pas dire que les femmes jouissent d'une liberté grisante là-bas, tort parce que lesdites horreurs ne sont pas du tout exposées. Pas de violences conjugales dans l'impunité la plus complète, pas de violences physiques, pas de harcèlement.

En fait, le point fort indéniable du roman réside justement dans cette modération, dans le choix de ne présenter que des faits de la vie quotidienne la plus ordinaire. Obayda, désormais Obayd, va à l'école, apprend de nouveaux jeux, change son comportement, gagne en confiance… et cela ne va pas sans disputes avec ses soeurs. L'angle choisi n'est pas directement politique : Nadia Hashimi passe par la description d'une famille aimante et unie, ou qui essaie de le rester. Cela apporte beaucoup de douceur à une thématique triste et rude.

Quant aux discriminations, elles s'exercent aussi dans la vie quotidienne, non par leur théorisation, mais par des actes concrets, bien que peu violents en apparence. Tu ne vas pas lire « les femmes se taisent, obéissent et s'occupent de leur foyer parce qu'elles ne peuvent pas faire autre chose et que c'est leur place naturelle », tu vas plutôt lire des choses comme « tu n'es plus une fille, ne fais plus des choses de fille ».

J'ai trouvé ce traitement très intelligent : d'une part, cela évite de lire le roman dans un état de colère profonde et permanente, d'autre part, cela montre à quel point le sexisme influe nos choix dans la façon d'élever les enfants, ainsi que son absurdité : si Obayd est capable de jouer à ghursai**, Obayda l'est aussi. Ce n'est pas une question de genre, mais d'entraînement.

-Ouais, mais attends, c'est un peu hypocrite de ne pas représenter tout ce qui se passe d'affreux, non ? Les mariages forcés, tout ça ?

-Non, parce que ce ne serait pas soutenable pour un jeune lectorat. Et l'ayant lu adulte, je n'ai aucune peine à comprendre les conséquences de certains faits passés sous silence. Je suppose que les parents pourront en parler à leurs enfants qui le lisent, s'ils posent la question.

Ma vie de bacha posh est un roman plein de tendresse et de révolte en même temps, drôle et dramatique aussi, résolument optimiste. Je lirai probablement La perle et la coquille de la même autrice, même si je me doute que la violence y sera beaucoup plus agressive.

*Avec plusieurs nuances cependant : les vierges jurées d'Albanie restent des hommes toute leur vie, contrairement aux bacha posh, et les relations sexuelles leur sont interdites. Pour plus de détails si le sujet vous intéresse, voir le livre d'Antonia Young, Les vierges jurées d'Albanie.

**Jeu masculin et enfantin traditionnel dont je ne vais pas expliciter les règles : spoiler, c'est mal.
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