Citations sur Ma vie de Bacha Posh (16)
- [...] Peut-être que ce n’était pas pour aujourd'hui.
- Comment ça?
- Tu sais, le destin et tout ça.
- Tu crois au destin ?
Rahim ralentit et me laisse le rattraper. On marche côte à côte, coude contre coude. Il fait noir mais ça ne m’embête pas. C'est comme un bras autour de mes épaules. Rahim réfléchit à ma question avant de répondre.
- Parfois, j'y crois, et parfois non. Disons que si quelque chose de bien m'arrive, je préfère croire que le destin n'a rien à voir là-dedans. J'aime mieux penser que j'y suis pour quelque chose.
- Et si c'est quelque chose de désagréable ? Tu vas croire au destin ?
La voix de Rahim devient froide et dure.
- Dans ce cas, j'aimerais que le destin soit une personne pour pouvoir lui donner un bon coup de pied dans la figure.
Quand on vivait à Kaboul, mes parents envisageaient de l'envoyer à l'université plus tard, mais dans ce village, il n'y a rien après le lycée, et Nila en a conscience. Ici, on prend ce qu'on peut. L'eau, l’électricité, l'école. Rien n'est acquis d'avance.
On a enlevé une seule lettre à mon nom et ça a tout changé. C’est une minuscule lettre, on l’entend à peine. Rahim… Rahima. Tu vois ? Si tu la prononces vite, tu peux la manquer. Qui aurait cru qu’un son aussi microscopique puisse faire une si grande différence ?
D'où viens-tu ? lui ai-je demandé
Avec un sourire espiègle, elle m'a répondu
Pour moitié de l'est
Pour moitié de l'ouest
Je suis faite pour moitié d'eau et de terre
Pour moitié de cœur et d'âme
Je suis pour moitié sur le rivage
Pour moitié nichée dans une perle
Début du livre : extrait du poème TU ES IVRE de Jalal al-Din Muhammad Rumi, poète persan du XIIIe siècle
Et comme j’ai dix ans et que je suis observatrice, j’ai remarqué que ma mère me regardait bizarrement depuis quelques temps. On dirait qu’elle a une nouvelle pénible à m’énoncer. Et je sais qu’elle va faire ce que font tous les parents : prétendre que c’est pour mon bien.
C’était une chance de pouvoir aller à l’école et on en avait conscience. Certains gamins sont obligés de travailler au lieu d’étudier. J’en ai vu qui ramassaient de la ferraille dans les décharges ou qui donnaient des coups de marteau sur des pièces de métal brûlantes chez le forgeron. D’autres lavent les voitures, cirent les chaussures, ou vendent des stylos et des tablettes de chewing-gum. La plupart ne mènent pas des vies d’enfants. C’est pour ça qu’on a autant envie d’étudier, même si nos professeurs sont stricts et nous accablent de devoirs.
Les gens disent que si des parents habillent leur fille en garçon, Dieu leur en donnera un pour de bon.
Transforme Obayda en garçon. Un fils dans la maison porte bonheur. Ton mari va retrouver le sourire. Ensuite, vous pourrez envisager de faire un autre bébé. Une bacha posh apporte une énergie masculine dans le foyer. Le prochain enfant sera un garçon. Et une fois que tu auras un véritable fils, ce sera le jour et la nuit, tu verras. Ton mari va retrouver le goût de vivre. J’ai vu les bienfaits de cette transformation dans notre entourage. Ce n’est pas de la magie, mais ça marche. Et Obayda pourra alors redevenir une fille. Tout le monde y gagne.
Danser comme un garçon est très facile. Il suffit de se balancer de droite à gauche et de lever les bras comme si on brandissait un trophée. Il n’y a rien d’autre à faire. C’est tout le reste qui est difficile, car ça n’a rien à voir avec ce que font les filles. C’est comme apprendre une langue étrangère, et je bute désespérément sur les mots. Si je me mets à pleurer, je suis finie.
Je n’ai pas de frère, mais je sais comment les garçons font pipi. Un jour, j’ai surpris un gamin près du marché, debout au bord d’un fossé. Sa mère tentait de le cacher avec sa jupe, sans succès. Il devait avoir cinq ou six ans à peine, alors je pouvais m’autoriser un coup d’œil.