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Critique de 4bis


4bis
19 novembre 2022
Dragan est journaliste pour la Pravda marocaine. Il vit plutôt bien les compromissions indispensables que cela suppose tant avec la liberté d'expression qu'avec le devoir d'informer. Dans le climat ambiant où chacun fait en sorte de ne s'occuper de rien, il s'accommode de charger tel ou tel groupuscule extrémiste de tout ce qui semble pourri au royaume de Danemark. Pour ce que ça changerait de faire autrement, de toute façon...Aussi excelle-t-il à trouver de ces phrases creuses, de ces atermoiements comme autant d'écrans de fumée destinés à laisser le bon peuple endormi. Il semble d'ailleurs que sa véritable vocation consiste davantage à s'imbiber avec une constance forçant l'admiration en compagnie de son collègue et ami Vigon.
Et puis, il fume, Dragan. Il fume, boit (beaucoup donc) et traine sa carcasse d'improbable grand blond de rades en rades. Il assiste parfois à de pathétiques conférences de rédaction où il s'agit juste d'osciller de la tête au bon moment afin que tout le petit monde de son chef incompétent continue de tourner, que les lecteurs continuent d'être enfumés et lui payé à la fin du mois. Jusqu'au jour où, de retour d'un voyage professionnel, il s'aperçoit qu'il ne peut plus écrire. Plus un mot.
Il y a quelque chose d'absurde et presque trop facile dans ce qui arrive à Dragan. Un journaliste qui ne peut plus écrire ? le gag de la page blanche poussé à son effectivité la plus concrète ? Un peu facile, non ?
Non. Car cet excès dans la symptomatologie est à la fois assumé comme une nécessité romanesque plausible et mis à distance par un regard plein d'ironie.
C'est ce qui m'a le plus enchanté dans ce premier roman : qu'on puisse à la fois adhérer à une histoire parfois croquignolesque et lire en filigrane le destin d'une société marocaine sous le joug d'un pouvoir tyrannique, l'errance d'un homme qui a renoncé depuis bien longtemps à se dire assez fier pour y résister.
Malgré quelques passages que j'ai trouvés un peu maladroitement menés, c'est un roman dont j'ai apprécié tant la profondeur que la légèreté.
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