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Critique de UnKaPart


Journal d'un marchand de rêves inaugure la collection Pepper de l'Atelier Mosésu. Un éditeur qui m'a habitué à du bon, une dir' coll' pas manchote en la personne de Sophie Jomain, un Anthelme Hauchecorne qui cumule les bonnes critiques sur ses autres bouquins. On est en droit d'attendre du lourd.


Premier bon point, l'objet livre ne dépare pas dans les productions Mosésu. De la couverture de Miesis – la madame qui a pondu la superbe affiche des dernières Halliennales – aux en-têtes de chapitre illustrés, Journal d'un marchand de rêves (JMR pour les intimes) ne déroge pas à cette règle de qualité. Un bel objet qui met dans de bonnes dispositions de lecture.

Hollywood constitue un excellent choix de décor. le roman oppose la veille et le sommeil, la réalité et le monde des rêves, l'Eveil et l'Ever, Hollywood et Doowylloh. Ou pas.
Plutôt qu'un choc basique entre deux mondes que tout sépare, Hauchecorne a opté pour une solution intelligente. Par certains côtés, les univers se ressemblent comme deux gouttes d'eau. Pas plus que son jumeau onirique Hollywood ne représente la réalité ni la normalité. Entre paillettes et coke, un monde à part qui vend du rêve à travers ses films et ses stars. Il offre aussi sa part de désillusions. Rêves et cauchemars, dirait Stephen King.
La démarche m'a paru intéressante de renvoyer ainsi dos à dos deux environnements hors norme.

Au chapitre des grandes révélations, entre l'eau mouille et le feu brûle, je n'ai pas peur d'annoncer que Hollywood ne serait pas Hollywood sans le cinéma. JMR abonde en références sans se viander sur l'écueil classique de la surabondance. Certes on en croise beaucoup, mais a) le thème s'y prête et surtout b) Hauchecorne sait s'y prendre pour les caser par une variété de moyens qui évite le catalogue d'auteur qui se la pète en étalant sa culture cinématographique.

Les citations littéraires m'ont moins convaincu. Pas qu'elles soient hors sujet, mais vu qu'il y a déjà de la matière niveau ciné, il n'était peut-être pas utile d'en remettre une couche.
Dans la même veine, les notes de bas de page alourdissent la lecture. On sort du texte à chaque renvoi pour tomber sur des précisions dispensables.
C'est à peu près tout ce que j'ai à reprocher à JMR, autant dire presque rien.


Walter Krowley et sa chaîne argentée rappellent les voyages astraux de l'occultiste Aleister Crowley, sans que le premier soit un clone du second. le Camarilla Mental Hospital évoque Vampire, La Mascarade sans le pillage habituel de l'univers White Wolf. Je pourrais multiplier les exemples à l'infini. Les clins d'oeil, références et allusions s'insèrent dans le texte avec discrétion et raffinement. Ils fonctionnent comme des bonus, pas comme le coeur d'un récit emprunté à d'autres.
La description de l'univers bureaucratique et autoritaire de Doowylloh n'est pas qu'un mélange de 1984, le meilleur des mondes, Twilight Zone ou le Prisonnier. L'exploitation de Brumaire par les Outlaws ne se résume pas à coller Mad Max dans Pale Rider. L'Ever ne fait pas figure de Contrées du Rêve ou de Pays des Merveilles bis. Là encore, je pourrais lister des influences sur des pages. On les sent planer, mais très très haut. Hauchecorne les a assimilées, il sait les utiliser et s'en affranchir.

Grande réussite de JMR, son univers ! A la fois steampunk, SF, fantastique, western, dystopie, conte initiatique… Un cocktail improbable… le gros risque du mélange, c'est le fourre-tout bordélique et indigeste. le docteur FrankenHauchecorne maîtrise sa créature. La cohérence de l'ensemble tend vers celle du Disque-Monde ou de Dune.
Il y aurait des tonnes de choses à raconter sur le monde des rêves et ses habitants… Donc je ne dirai rien. Vaut mieux le découvrir par soi-même à la lecture du bouquin. Pour donner une idée de la richesse et de l'inventivité, la découverte de l'Ever provoque les mêmes sensations qu'une première visite à Ankh-Morpork ou le récit des pérégrinations oniriques d'un Randolph Carter.

L'enrobage de JMR se montre-t-il à la hauteur de son contenu ? La plume hauchecornienne m'a surpris en bien. A cause du label young adult, je craignais l'habituel style qui n'en est pas, pauvre comme une cour des miracles mais pas avare de clichés ni de scories. J'ai cherché vainement en vain les cohortes d'adverbes en -ment, les dialogues scolaires, les lourdeurs sous-lovecraftiennes.
Du “qui se lit bien”, pas du genre plat et simpliste comme un Harlequin, mais parce qu'il est agréable. Propre, fluide, élégant même dans la familiarité. Rythmé comme les meilleurs westerns, spontané comme du Jomain, carré comme du Gillio, avec en plus une note d'humour quelque part entre King et Pratchett. A l'arrivée, ça donne du Hauchecorne.

Depuis tout petit, au gré de mes lectures, j'ai visité des centaines de mondes et de planètes, il faut se lever de bonne heure pour me promener dans des univers inédits. Hauchecorne s'affirme comme un auteur très matinal.
Quand d'autres tournent en rond dans des histoires mille fois lues de vampires et de loups-garous qui se font des papouilles, JMR rappelle que l'inventivité n'est pas une option mais une base.
Un univers original et d'une richesse rare, une plume dynamique et raffinée, une parfaite maîtrise du fond comme de la forme… Je ne vois qu'une chose à reprocher à Hauchecorne : il va me coûter des sous maintenant qu'il m'a donné envie de découvrir ses autres bouquins.
Lien : https://unkapart.fr/journal-..
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