Chapitre 4 :
Ace
«… La rapidité de son mouvement ne m’échappe pas et je devine dans l’éclair qui traverse ses yeux verts qu’elle ne va pas me laisser tranquille. Oui, l’un de mes nombreux talents est de repérer les casse-écailles à plusieurs kilomètres à la ronde et je suis face à une représentante en bonne position pour la médaille d’or dans sa catégorie, nul doute.
— Si tu la laisses approcher, je lui tranche la jugulaire et je te laisse expliquer ça au gérant.
La messe est dite. Si elle n’était pas aussi jolie, elle me ferait penser à mon père, tiens !
— Dis donc, la Sangsue, c’est pas gentil gentil toutes ces menaces…
Le timbre de ma voix, si grave qu’il transpire la menace, ne lui échappe pas.
— Je n’ai pas peur de toi, Dragonneau, et je te rappelle que tu es mortel sous ta forme humaine, alors allons ailleurs, nous avons du travail.
Dragonneau ? Je vais la démarrer elle, je le sens ! …»
Même si elle est la source de pas mal de mes tourments, elle est aussi le nectar qui me rend vivant.
Chapitre 3 :
Aubrielle
«… Il tourne sa tête vers moi, lentement, à l’instar du monstre qui sommeille en lui, et me scrute de la tête aux pieds.
Un éclat, que je ne saurais interpréter, flambe alors dans l’ambre de ses iris, avant de disparaître tout aussi vite qu’il est apparu.
— Reviens me voir quand je ne serai plus en vacances, insiste-t-il.
— Ça ne peut pas attendre.
— Oh, je t’assure que si.
Son timbre chute de plusieurs octaves. La menace sous-jacente me donnerait presque envie de rire, si la situation n’était pas aussi critique.
— Pourquoi mettre une annonce dans les journaux si c’est pour rejeter une possible cliente ?
— Le journal que tu possèdes date du mois dernier.
— Si tu veux, je…
D’un geste vif, il agrippe le papier et le froisse en serrant son poing. Une subite chaleur se répand autour de nous. L’air se sature d’une odeur désagréable de fumée.
— Écoute, la suceuse de sang. Là, tout de suite, je ne suis pas en état de réfléchir ni même de discuter. On remet ça à plus tard, tu veux ?
— Très bien. Si c’est ça que tu souhaites…
Dans un soupir, j’enfouis ma main dans mon sac en cuir, agrippe tout ce qui s’y trouve dans le sac et pose mon moyen de persuasion devant lui.
Son regard dévie vers les nombreux billets étalés sur le bois.
— Dix mille euros. Et tu obtiendras plus si tu réussis à m’aider, affirmé-je.
Ce qui se produit alors me prend de court.
Le Dragon termine cul sec son remède alcoolisé, secoue sa tête, puis se tourne vers moi.
Son ivresse l’a déserté. L’alacrité le possède. Son regard n’a plus rien de vitreux. Sa posture est plus droite, plus confiante. Il tend alors une main vers moi, affublé d’un sourire malicieux, et minaude d’une voix chantante :
— Enchanté, je m’appelle Ace. Et je suis plus que ravi de faire affaire avec toi. …»
Après Frustration, Patience, voilà que je découvre Insomnie. Ben, pas ravi ! Pas enchanté du tout !
Elle est le soleil qui brûle ma peau, la douceur qui apaise la lésion et la glace qui pimente ma guérison. Assurément le meilleur de ce monde.
Je suis de toute façon convaincu que si les bières et le bourbon ne résolvent pas mes problèmes, ils me feront au moins passer le temps.
Approche-toi du dragon et crame comme un lardon ! C’est bien ça, le dicton ?