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Critique de terryjil


Le livre est raconté à la première personne, par un enfant aux cheveux courts et perpétuellement en maillot de bain. Lui et ses parents vivent à l'écart du village, il passe son temps à nager lorsqu'il a fini d'aider sa mère. Son père pêcheur est lui très souvent absent. Sa mère semble connaître beaucoup de choses sous la mer bien qu'elle n'y trempe jamais un orteil...

Nikolaus Heidelbach a un style de dessin qui me rappelle un peu Claude Ponti, en moins expressif et en moins foutraque. Les illustrations sont dans des couleurs sourdes, bleues, vertes, brunes, rouges...
et fourmillent de détails : les illustrations de la maison contiennent toujours un petit élément marin, les intérieurs de couverture sont de beaux fonds sous-marins, très organiques, enfin il y a surtout un magnifique défilé de créatures fantasmagoriques! Cette image panoramique est découpée en plusieurs doubles pages, ce qui est un peu dommage car on ne voit que des fragments de ce défilé... Je ne sais pas pourquoi l'éditeur les grandes personnes n'a pas intégré une longue page qui se déplierait pour voir l'illustration dans son intégralité. Coût trop élevé ou choix délibéré pour laisser le plaisir de tourner la page et de découvrir ce qui se cache derrière?
Cependant, le grain velouté des teintes matérialise aussi un silence vibrant et discret, comme un secret qui plane, un non-dit qui transpire...
Bien qu'ils semblent former une famille banale et heureuse, les personnages ont un côté inquiétant: leur physique est lourd, épais, terrien. On voit très peu les yeux de l'enfant, il est soit les yeux fermés, soit de dos, soit avec ses lunettes de plongée. La mère, elle, a un visage étrange: de grands yeux noirs sans sourcils, et pas de sourire, une allure austère qui contraste avec la richesse polychrome des images fabuleuses suscitées par ses récits. Quant au père, on ne le voit que sur trois images à peine. Un jour, l'enfant découvre une peau de phoque cachée par son père...

Les selkies sont un peuple de phoques dont les femmes quittent parfois leur peau animale pour aller danser sur la terre ferme. Généralement, dans la légende, un humain les découvre, réussit à voler la peau de l'une d'entre elles, la cacher et amener sa propriétaire, qui ne peut donc plus retourner dans l'eau, à se marier avec lui. Quand on y réfléchit bien, c'est carrément un mariage forcé, comme un viol... Cette légende est donc peut-être moins cruelle que les contes ayant pour thème l'infanticide (le Petit Poucet, Hansel et Gretel, le Petit Chaperon Rouge), mais tout aussi dérangeante!

Dans la plupart des contes, iels restent suffisamment ensemble pour qu'ils aient un ou plusieurs enfants. Mais, bizarrement, le mari ne détruit jamais la peau ; et soit qu'un des enfants la trouve et l'apporte ingénument à sa mère, soit que la selkie retrouve elle-même la peau, cela finit toujours par la liberté retrouvée.

Ici le récit est raconté du point de vue de l'enfant, et la légende s'en trouve modifiée: les selkies sont des gens qui laisseraient volontairement leur peau pour vivre parmi les hommes, puis s'en vont lorsqu'iels en ont assez... Modification minime, et qui doit provenir de la mère puisque c'est elle la source principale de légendes pour l'enfant, mais qui le conduit à une mauvaise interprétation de ce qu'il a vu, et donc à tout raconter... à la mauvaise personne! ou à la bonne, ça dépend de quel point de vue on se place ;-)

Cet enfant narrateur a d'ailleurs l'air assez pragmatique : son goût pour la nage et sa curiosité sont ses principales caractéristiques, mais il ne manifeste pas de signe d'affection particulier pour l'un ou l'autre de ses parents. En plus, comme je disais, on voit très peu ses yeux, et ça diminue fortement l'empathie que je peux avoir pour lui. La disparition de sa mère, bien que brutale et inattendue, n'a pas l'air de le chagriner outre mesure et est loin d'être présentée comme une catastrophe, juste un fait avec lequel il faut vivre. Douleur muette ou acceptation indifférente? le calin père-fils de l'image où ils se retrouvent seuls contredit néanmoins la froideur apparente du texte...
La fin est très apaisée, avec ces maquereaux que l'enfant dit trouver de temps à autre comme des cadeaux, et cette ambition qui donne son titre original au livre : "Wenn ich gross bin, werde ich ein Seehund" (en français: "quand je serai grand, je serai un phoque").

Un livre intéressant et beau; mais les illustrations ne sont pas complètement à mon goût et comme je dis, je ne me suis pas vraiment attachée à l'enfant... que ça ne vous empêche pas de découvrir cette lecture! Plus de détails et d'images sur mon blog, lien ci-dessous ;-)
Lien : http://sirenologie.canalblog..
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