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Critique de FabM


Une petite fille nous raconte qu'elle préfère le noir au rose, grimper aux arbres plutôt que jouer aux poupées, faire le brigand plutôt que la princesse. Elle affirme sa différence dès la première page, par une phrase unique et simple :« Moi, j'aime le noir ». Mais elle se questionne : est-elle une
vraie fille, puisque « d'habitude » les filles aiment le rose ? Est-elle un garçon « raté » ? Et les garçons qui cousent ou qui peignent des fleurs sont-ils de vrais garçons ?

L'album Marre du rose évoque avec subtilité la question du genre et de la norme tout en la mettant à la portée des enfants grâce à un texte simple dans sa syntaxe mais qui pointe les défaillances du discours normatif : ainsi, les parents transmettent un modèle de représentation du genre qu'ils ne questionnent pas : « c'est comme ça ». Ils sont ensuite relayés par un « tout le monde dit » dont on ne sait qui cela représente exactement et aussi peu pertinent dans le discours que l'argument « c'est comme ça ». L'album pointe aussi la non-réciprocité de l'expression « garçon manqué » et rappelle implicitement que la norme de référence est toujours le masculin, sans compter que cette expression est comprise différemment par un enfant (« garçon raté »). Par ailleurs, il met en valeur la gêne des adultes et leur peur sous-jacente de l'homosexualité masculine : Carl est puni pour avoir peint des fleurs sur ses petites voitures.
Servi par une illustration pertinente dans ses choix graphiques et chaleureuse par sa gamme de coloris, l'album saisit le clivage entre le monde supposé des filles et celui des garçons : la petite fille grimpe dans un arbre, se déguise en voleur, s'habille en pantalon et dans des couleurs sombres, est toujours en compagnie d'un ou de plusieurs garçons. A contrario, les petites filles sont habillées de robes, toujours bien coiffées, avec des bijoux et des poupées et jouent sagement. Cela se traduit aussi par la structuration de l'image qui sépare les plans par la couleur : univers rose pour les petites filles, à dominante verte pour les garçons et l'héroïne. L'illustratrice montre un monde de petites filles clos, non mixtes, alors que notre protagoniste évolue dans un groupe diversifié.
La petite fille est aussi peinte dans des situations du quotidien : jeux à l'extérieur, à la maison, dans le bain, dans son lit, à l'école... sont autant de situations dans lesquelles les lecteurs peuvent se reconnaître. Les enfants de cinq ans et plus pourront s'identifier à cette petite fille capable de saisir les règles du monde qui l'entoure et de les questionner.
L'album ne conclut pas sur ce que doit être une petite fille ou un petit garçon mais montre que le monde n'est pas en noir et blanc, ou plutôt en rose et bleu : il est de toutes les couleurs et tous les enfants peuvent y trouver leur place, quels que soient leurs goûts ou leurs comportements. A ce titre, il participe vraiment à la construction de l'identité de l'enfant, individuellement et dans le groupe. L'accompagnement de la lecture de l'enfant par les parents permettra une réflexion commune, des explications et des échanges autour de la question des normes et du genre.
Marre du rose détonne dans la production éditoriale en général, plus coutumière des représentations stéréotypées. C'est le seul album d'Albin Michel jeunesse à traiter de cette thématique pour l'année 2009 (année de son édition) pour sa tranche d'âge. Ses auteurs, Nathalie Hense pour les textes et Ilya Green pour les illustrations, ne travaillent pas spécialement sur cette thématique. Elles ont cependant produit un album très réussi, à mettre entre toutes les mains, celles des garçons et des filles.
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