AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sando


Sando
05 septembre 2023
Elle est dans les livres d'Histoire, chapitre “Seconde Guerre Mondiale”. Elle est le symbole d'une honte nationale. Elle représente toutes celles qui ont pactisé avec l'ennemi et qui méritent donc d'être humiliées, torturées, violées voire même tuées pour cela… La femme sur la photo c'est elle: Simone Touseau, “la Tondue de Chartres”, immortalisée par Robert Capa le 16 Août 1944, alors que le vent de la Libération souffle dans les rues de France et que l'on fait la chasse aux collabos, aux traitres, aux “putes à boches”, aux “embochées”.

Sous la plume de Julie Héraclès, cette femme serrant fort son nourrisson dans ses bras, devient Simone Grivise, une jeune adolescente à l'esprit revanchard. Cette fille de prolétaires, élevée dans la rancoeur d'une mère rendue aigrie par ses propres échecs et dans l'absence d'un père effacé et soumis, n'est ni meilleure, ni plus mauvaise qu'une autre. Elle a seulement décidé de prendre en main son destin afin de s'élever de sa condition sociale.
Élève brillante, passionnée par la langue allemande, la jeune fille est aveuglée, comme tant d'autres, par le prestige d'une nation unie par un même credo. Elle va tracer son chemin, comme elle le peut, jusqu'à sa rencontre avec Otto Weiss, chef de la propagande allemande à Chartres, fermement opposé à la guerre… Cette rencontre va progressivement faire naître chez Simone une prise de conscience de l'Histoire qui se joue sous ses yeux et à laquelle elle participe elle aussi…

Et bien, pour un premier roman, je dois dire que je l'ai trouvé bluffant de maîtrise! Julie Héraclès a assurément su donner une voix, un ton, à son personnage, donnant vie et corps à cet être de papier glacé. Avec sa narration à la première personne, elle fait de Simone une héroïne vibrante, exaltée mais aussi égoïste et égocentrique, qui tour à tour, nous émeut ou nous indigne.

Le langage, avec son phrasé court, est vif et familier. On est entraîné par ce flot rapide des mots qui s'enchaînent et des émotions qui se déchaînent. C'est vivant, fluide et addictif. le jeu sur la temporalité avec des allers-retours entre le jour où la photo a été prise par Robert Capa et la jeunesse de Simone, crée une dynamique intéressante qui rend le roman difficile à lâcher! On voit ainsi grandir Simone, avec la rage chevillée au corps, presque indépendamment de l'Histoire en marche.

Sous couvert de nous offrir une lecture d'un pan de l'Histoire de France, l'autrice nous livre surtout un portrait éblouissant de l'adolescence et du passage, parfois difficile, à l'âge adulte. Portrait qui m'a saisie par sa justesse et son réalisme et que j'ai trouvé passionnant de voir évoluer au fil des pages… Simone se construit au gré de ses expériences, laissant peu à peu derrière elle la haine et la rancoeur qui l'habitent pour laisser place à l'amour. D'inconséquente, la jeune femme s'éveille, trop tard peut-être, mais assez tout de même pour rester touchante.

Loin de se poser en juge, Julie Héraclès ne cherche pas à donner une vision moralisatrice de cette époque et de ces femmes. Rien n'est toujours tout noir ou tout blanc, comme c'est très justement rappelé dans la citation de Claudel, en préambule au roman. Tout n'est que nuances et la question n'est pas de condamner ou de disculper tel ou tel choix, seulement de rendre leur humanité à des femmes qui ont pu aimer la bonne personne dans le mauvais contexte. Un roman doux-amer, à la fois touchant et sensible, que j'ai trouvé captivant. Assurément une belle découverte de cette rentrée littéraire!
Commenter  J’apprécie          483



Ont apprécié cette critique (43)voir plus




{* *}