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Critique de Acerola13


C'est forcément un peu frustrée et contrite que je publie cette critique huit mois après ma lecture de cet édifiant essai (décidément, la collection La République des idées est une valeur sûre !), qui aurait mérité d'être érigé en lecture obligatoire avant le vote de toute loi sur l'immigration…

François Héran y dénonce avec clarté et concision, et bien sûr chiffres à l'appui, à quel point le sujet de l'immigration est au coeur du débat public, que cette dernière est exagérée à l'envi pour mieux marteler ensuite quelles mesures drastiques il faudrait appliquer pour faire face à cette vague submersive permise par de récentes politiques trop laxistes. Face à ces cris d'orfraie qui oublient que l'immigration est une composante de la société française depuis belle lurette (et que la sacro-sainte continuité historique ne résiste pas à une analyse des différences entre régions françaises, dont les habitants se considéraient jusqu'à une période récente comme des étrangers), l'auteur milite pour une politique dépassionnée et respectueuse du droit international, une lutte contre la ségrégation territoriale et la paupérisation qui lui est souvent associée, et une simplification ou du moins une rationalisation des procédures administratives kafkaïennes de régularisation.

Abordant en premier lieu la bataille des chiffres, François Héran rappelle que la hausse de l'immigration est en effet réelle ces dernières années, mais que ce mouvement touche l'ensemble du monde, et que la France est loin d'être en tête du classement des pays européens lorsque l'on compare la part de population d'origine étrangère. Il balaie également le mythe d'une France incroyablement attractive pour les étrangers par une analyse détaillée des titres de séjour accordés ces dernières années, et en tire un bilan plus qu'instructif bien éloigné des conclusions à l'emporte-pièce que l'on entend de toute part. du point de vue de l'accueil des exilés et des réfugiés, la part de la France est là encore bien timide, loin des efforts faits dans les années 70 pour accueillir les boats people que rappelle l'auteur et dont on se souvient bien peu aujourd'hui.

J'ai trouvé l'exemple de Mayotte particulièrement édifiant ; l'auteur nous rappelle que la France, ayant encouragé l'intégration de l'île des Comores comme département français fait désormais face à une « migration étrangère » (auparavant insulaire et normale, puisque réalisée au sein d'un même pays). Il faudrait alors « lutter contre l'attractivité sociale et administrative » de Mayotte pour mieux la protéger, ce qui passe par un régime d'exception du point de vue législatif sur l'île. Si ce n'était pas aussi ubuesque, on pourrait presque en rire…

Les derniers chapitres reviennent sur le sujet inflammable qu'est l'immigration, et le traitement dont elle fait l'objet par les politiques d'extrême-droite et de droite, ainsi que sur l'appareil administratif et législatif aujourd'hui en place pour gérer les demandes de régularisation. La justice n'est pas chiche en la matière, puisque vingt-deux lois ont été publiées depuis 1986 sur le sujet, rendant la plupart des procédures inextricables puisque les directives changent tous les dix-huit mois.

Une très belle synthèse à lire et à relire et qui résonne bien tristement au vu de l'actualité. En en relisant quelques passages, je n'ai pas résisté à étoffer un peu la partie citations, on sera étonné de voir à quel point François Héran avait anticipé les écueils de la loi immigration.
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