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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Challenge ABC 2016-2017
Je suis rentrée de Cuba trois jours avant la mort de Fidel Castro (non, mon voyage n'était pas subsidié par la CIA et je n'avais pas de pharmacie à base de cyanure dans ma valise), après un circuit de deux semaines à travers toute l'île. Quinze jours, c'est évidemment trop court pour appréhender toute la complexité et « l'âme du peuple » cubain. Alors, en rentrant, j'ai lu ce petit livre et et j'ai trouvé qu'il décrit assez bien ce que je n'ai pu que pressentir de ce pays avec mes brèves impressions de touriste, tout en approfondissant (enfin, c'est relatif : difficile d'être exhaustif en 90 pages) plusieurs aspects qui m'avaient échappé, l'art contemporain et la santeria, notamment.
Il en ressort que Cuba, c'est surtout une histoire de patrimoines mélangés, contradictoires, uniques.
Historique, d'abord, avec l'héritage de la période coloniale, dont témoignent la présence de quelques bijoux architecturaux, et l'absence des Indiens, décimés par les colons. Un paradoxe parmi d'autres : dans la même ville (Baracoa), on trouve à la fois le buste du chef indien Hatuey (admiré en tant que « premier rebelle d'Amérique »), brûlé vif par les Espagnols, et, à quelques centaines de mètres, une statue de Christophe Colomb, découvreur du Nouveau Monde pour le meilleur et pour le pire...
L'histoire de Cuba, c'est aussi celle de la Révolution castriste, dont on se demande si et à quoi elle va aboutir un jour. « La mort ou la liberté », slogan des années de lutte contre le dictateur Batista qu'on voit encore affiché partout, prend un goût amer si on l'applique aux Cubains qui ont tenté de fuir le pays vers les USA dans les années 1990-2000 à bord de bateaux de fortune, et sont morts noyés.
Cuba, c'est encore l'île au patrimoine génétique le plus métissé : Indiens, colons espagnols, Français fuyant Haïti avec leurs esclaves d'origine africaine, travailleurs chinois, l'ADN cubain en voit de toutes les couleurs. Contrairement au « patrimoine » politique, d'ailleurs, sous un régime de parti unique depuis la révolution. A tel point que les Cubains sont bien en peine d'expliquer les raisons qui les poussent à aller voter malgré tout, pour un Etat qui a la mainmise sur tous les secteurs économiques mais qui autorise peu à peu l'entreprise privée (en la taxant allègrement). Qui finance intégralement l'éducation et les soins de santé, mais qui est incapable de remplir les rayons des supermarchés et de fournir de l'électricité en continu. Embargo américain ou « blocus interne » causé par un excès de bureaucratie locale ? Entre autres slogans placardés à chaque coin de rue (une propagande qui en devient sa propre caricature), il est beaucoup question de « construire la révolution »... quitte à négliger des rues entières d'immeubles salement délabrés qui ne demandent qu'à s'écrouler au prochain coup de vent.
Et puis Cuba, c'est aussi un patrimoine culturel, un ADN sensoriel et festif. Malgré (ou peut-être à cause) les pénuries de nourriture, de produits d'hygiène et de liberté d'expression (qui ont fait des Cubains de rusés renards, rois du système D), les repas sont sacrés et la musique et la danse communiquent une joie de vivre exubérante.

A nouveau, cet opus de la collection « L'âme des peuples » des éditions Nevicata donne un aperçu très fin et pertinent d'un pays unique en son genre, loin d'être limité à ses clichés du mojito, des cigares et des plages de Varadero. Peut-être faudra-t-il bientôt le rééditer : qui sait comment Cuba évoluera après la mort de Fidel et l'élection de Donald Trump ? Comme le dit l'écrivain cubain William Navarrete dans l'un des trois entretiens à la fin du livre : « La révolution aurait dû durer trois ou quatre ans, alors qu'elle a été confondue avec l'Etat. L'histoire cubaine est un peu foutue à mon avis, car elle a été revue et corrigée par la propagande du régime et il sera très difficile de détricoter cela. En revanche, les futurs dirigeants ne pourront plus justifier leur présence au pouvoir par l'acte mythique de la révolution. »
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