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Critique de Livrescapades


Daheim (2021) – Une clarté dans le lointain (2023) est un court mais non moins intense et subtil roman de tout juste deux cents pages dans lequel Judith Hermann s'intéresse aux thématiques de l'enfermement et de liberté, de l'appartenance et du recommencement. de l'ambivalence de la solitude aussi, une solitude qui peut se révéler à la fois douloureuse et libératrice.

Une clarté dans le lointain est une histoire de boîtes. Celle d'une boîte dans laquelle la narratrice est volontairement entrée trente ans auparavant pour se faire couper en deux par un magicien, celle d'une boîte dans laquelle une fillette devenue une jeune femme perturbée fut régulièrement enfermée par sa mère maltraitante, celle d'une boîte, enfin, devant servir à piéger la fouine qui gâche les nuits de la narratrice depuis qu'elle s'est installée dans une minuscule maison isolée quelque part au bord de la mer des Wadden, dans le Nord-Ouest de l'Allemagne.

Judith Hermann écrit avec subtilité et force l'enfermement, l'emprisonnement, qu'il soit subi, imposé, ou parfois choisi. Mais elle écrit aussi parfaitement le désir de liberté résultant du refus de se faire enfermer dans une vie jugée trop étriquée et conformiste.

Après que sa fille devenue majeure a quitté l'école et la maison pour s'en aller vivre libre de toutes attaches et naviguer quelque part sur les eaux glaciales de l'Arctique, la narratrice désormais divorcée a décidé de tout recommencer. C'est ainsi qu'à quarante-sept ans, elle a quitté ville, appartement et emploi pour s'installer, seule, dans une minuscule maison délabrée et isolée, quelque part à l'écart d'une bourgade que l'on devine être en Frise, dans le Schleswig-Holstein. C'est là qu'elle travaille cinq jours par semaine comme serveuse dans le bistrot de son frère Sascha. Pourra-t-elle retrouver un nouveau chez soi, se sentir véritablement chez elle, Daheim, dans ce nouvel environnement si différent du sien et entourée de gens solitaires et taciturnes dont certains n'ont jamais éprouvé le besoin de quitter leur maison, même pour un week-end?

Judith Hermann brosse des portraits très réussis de personnages hautement imparfaits, tous plus ou moins enfermés dans une vie qu'ils n'ont pas forcément choisie et en proie à des attentes, des peurs et des questionnements universels. Ainsi Otis, l'ex-mari de la narratrice avec lequel elle est restée en bon contact, est un survivaliste convaincu, un homme obnubilé, enfermé chez lui dans sa crainte de la fin du monde. Il a accumulé tant d'objets au fil des ans pour être sûr d'être prêt le jour J qu'il n'a jamais pu vivre ensemble dans le même appartement avec sa femme et sa fille. Arild, lui, se contente parfaitement de sa vie très solitaire, de son immense ferme et de ses mille cochons, tandis que sa soeur Mimi, une artiste et la seule voisine de la narratrice, ivre d'espace et de liberté chante parfois nue dans son jardin et pour se sentir vivante se baigne tous les jours nue dans la froide Mer des Wadden. Enfin, Sascha, le frère aîné de la narratrice, un célibataire de presque soixante ans, s'est enfermé dans une relation amoureuse avec une jeunette de vingt-ans, une jeune femme fortement perturbée qui le maltraite au quotidien mais qu'il ne semble aimer que davantage.

Si le style du roman m'a un peu déconcertée au début (j'ai d'ailleurs par la suite relu le livre en allemand pour comparer), je m'y suis ensuite habituée, tant et si bien d'ailleurs que j'envisage maintenant de lire l'un des quatre recueils de nouvelles qui ont fait toute la renommée de Judith Hermann. Sachant que je ne suis pas du tout une amatrice de ce genre littéraire, c'est peu de dire qu'elle m'a fait forte impression.

Un très bonne lecture et une autrice à découvrir.

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