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Critique de ecceom


Un Président mangé par les mythes

"There is no dark side in the moon, really. Matter of fact, it's all dark".
(Pink Floyd : "Eclipse").

Voici la réédition chez Archipoche, du brûlot de Seymour Hersh consacré au clan Kennedy.
Plus de 500 pages qui démontent la statue du plus célèbre représentant de la famille qui a dominé la vie politique américaine dans les années 60. le style est assez journalistique et certains développements apparaissent redondants, mais l'ensemble se lit facilement, sans renvois ou notes de bas de pages fastidieux.

Bien que pas totalement satisfaisant car un peu brouillon, ce livre est à mon avis, indispensable à plusieurs titres.

Tout d'abord, il s'agit d'une enquête a priori, sérieuse qui étaye de manière convaincante, les innombrables rumeurs répandues ça et là. Seymour Hersh se réfère souvent à des témoignages qu'il dit avoir recueillis. Certains étant anonymes (protection des sources ?), on pourra toujours en douter.
Pour ma part, j'ai choisi d'y croire dans la mesure où les faits les plus graves semblent aujourd'hui indiscutables et que nous savons aujourd'hui que l'"image JFK" a été montée de toutes pièces.

D'analyse de documents écrits et sonores en interviews, Seymour Hersh révèle cette face cachée et notamment le rôle trouble du père, Joe Kennedy, qui apparaît vraiment comme un être infâme dévoré par une ambition, un opportunisme et une malhonnêteté sans limites.
Mais le livre traite essentiellement de JFK et de son ascension politique jusqu'à la présidence. (l'attentat n'est pas le sujet principal et il est peu évoqué).

Hersh s'attache surtout à mettre en lumière tout ce qui a longtemps dissimulé et notamment le cynisme d'un JFK priapique, instrument de l'ambition farouche de son père et de ses douteux appuis. Nous sommes bien éloignés de l'icône historique.

Mais, au fond, ces révélations ne surprendront pas forcément ceux qui s'intéressent à cette période.
Les trafics de Joe, son antisémitisme, ses accointances avec la Mafia et le rôle de cette dernière dans le parcours politique de JFK, la sexualité terrifiante de celui qui se découvrait "Berliner", le pouvoir de nuisance d'Hoover...Tout ça a déjà été évoqué.

Hersh corrobore les différentes rumeurs, mais - à l'exception du 1er mariage de JFK (avant Jackie donc) ou d'une hypothèse étonnante (au cours de l'attentat de Dallas, JFK n'aurait pas pu se protéger après avoir été atteint une 1ère fois, en raison d'un corset qui le maintenait droit) - peu de véritables révélations.

Le plus intéressant réside sans doute dans ce que ce livre montre de l'Amérique.

Il faut tout d'abord se rendre à l'évidence : le besoin de croire à un idéal reste le plus fort.

Les américains ont choisi de croire envers et contre tout, à l'homme qui leur a -littéralement- promis la lune. Car on se demande bien comment, à la lumière de ces révélations, cette famille et son emblème JFK, peuvent encore conserver une telle aura ?

L'Amérique a choisi de "mythifier" ce queutard compulsif (phénomène peut être lié aux cocktails médicamenteux qu'il prenait pour clamer ses douleurs au dos), charmeur mais menteur, corrompu et toujours au bord de la rupture en raison des frasques qui le fragilisaient.

Son indéniable charisme peut il tout expliquer et tout excuser ?
Sa fin tragique doit-elle empêcher tout regard critique sur sa présidence et interdire par exemple, les interrogations sur sa gestion de la crise de Cuba ?

Les Américains (entre autres !) continuent à éloigner tout volatile susceptible de souiller la statue.

Autre aspect du rêve américain, autre croyance : le 4ème pouvoir !

Il est frappant de lire la réaction de plusieurs témoins de cette période faisant état du fait qu'il s'agissait d'un autre temps, d'autres moeurs, mais qu'aujourd'hui, le pouvoir de la presse…

Certes.
La révélation du scandale du Watergate ou la destitution du chic Bill (pour avoir pratiqué le Cohiba interruptus avec une stagiaire) pourraient être cités en exemple de la puissance et de la conscience de la presse nord américaine.

Mais ce serait oublier par exemple, qu'en 2000, c'est grâce à une fraude massive de l'Etat de Floride et de son gouverneur de frère, Jeb Bush, que GW Bush est devenu Président (lire l'intéressant "The Best Democracy Money Can Buy: An Investigative Reporter Exposes the Truth About Globalization, Corporate Cons and High Finance Fraudsters.

Comment oublier également que ces fameux médias garants de la démocratie ont avalé sans sourciller la fable grossière des fameuses "armes de destruction massive" qui a permis de lancer une guerre contre le régime irakien (quelque soit l'opinion que l'on peut avoir sur Saddam Hussein par ailleurs) ?

Etc.

Voilà au fond le principal enseignement de ce livre : corruption, duplicité, violence font partie du paysage politique américain et la formidable usine à mythes qui travestit sans relâche cette triste réalité, marche à plein régime.

A la lecture de ce livre, on pense souvent à la fameuse tirade de fin de "L'homme qui tua Liberty Valance" : "… Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende".

Si les USA sont passés maîtres en matière de travestissement et qu'ils ont sans doute plus de talent (Hollywood oblige) et de puissance que les autres pour renouveler les décors et repriser les costumes, il serait toutefois bien naïf de penser que ce pays en détient le monopole.

Aussi, en attendant un utopique monde meilleur, pourquoi ne pas revenir au principe édicté par Fox Mulder cherchant à élucider ses X-Files : "Trust No one !".
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