Les Nilgiri élégants étincellent, 4500 mètres au-dessus de nous. Vers le nord, le ciel est beaucoup plus clair. La végétation, pour autant qu'on en puisse juger d'où nous sommes, se fait rare : c'est la direction du Tibet.
La vallée de la Gandaki est est une longue percée au travers de deux immenses blocs : le massif du Dhaulagiri à l'ouest, à 8167 mètres, le massif de l'Annapurna à l'est, à 8078 mètres. La brume est fréquente au fond de cette entaille et elle donne plus de majesté encore aux parois proprement inaccessibles qui nous entourent.
Chacun se tord le cou à regarder ces parois gigantesques qui se perdent six kilomètres plus haut dans les nuées et le bleu du ciel. Les parties rocheuses sont brun sombre, la neige éclatante. La luminosité est si intense qu'elle nous oblige à cligner des yeux.
Un peu plus loin, nous apercevons les pentes supérieures du Dhaulagiri striées de glace bleue. L'arête sud-est qui descend sur nous et sur laquelle nous fondions quelque espoir s'allonge sans fin, aiguë comme une lame de couteau, hérissée de tours de glace et de corniches neigeuses. Imprenable, vue d'ici.
Le sentier côtoie les précipices. A travers des conifères, on distingue à peine les eaux furieuses et grondantes de la Krishna Gandaki; des cascades au débit puissant jaillissent de temps à autre des parois calcaires. Nous gagnons insensiblement de l'altitude, nous le sentons à divers indices; le pas se fait lourd, l'allure de la caravane ralentit.
Nous restons bouche bée devant cette colossale montagne dont le nom, mille fois évoqué, est familier à nos oreilles, mais dont la réalité produit sur nos esprits un choc qui nous rend longtemps muets.
Une immense pyramide de glace, étincelant au soleil comme un cristal, se dresse à plus de 7000 mètres au-dessus de nous! La face sud, bleutée par l'atmosphère et les brumes matinales, est sublime et irréelle.
En approchant le lendemain de la Sedhi Khola, nous rencontrons sur la piste de jolies Népalaises dans tous leurs atours, gracieuses, légères. Elles passent rapidement, pieds nus.
En vérité, le spectacle qui nous attend au sommet de cette colline dépasse tout ce que nous avons imaginé. Au premier coup d'oeil, nous ne distinguons rien d'autre que quelques brumes vaporeuses; mais en observant avec plus d'attention, il nous est possible des discerner, à une distance considérable, de véritables murailles de glace s'élevant au-dessus du brouillard à des hauteurs gigantesques et bouchant l'horizon vers le nord sur des centaines et des centaines de kilomètres. Cette muraille étincelante nous apparaît colossale, sans défaut, sans la moindre faille. Les sommets de 7000 succèdent aux sommets de 8000. Nous sommes écrasés par la grandeur de ce spectacle.