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Critique de Pingouin


Plus personne ne connaît Hésiode, plus grand monde, à tout le moins, en témoigne le peu de lecteur dont le monsieur peut se targuer sur Babelio - référent ô combien certain de la popularité d'un auteur. Et pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître, Hésiode, contemporain de Homère, rivalisait de popularité avec ce dernière à l'époque. Il existe même une « légende » - parce qu'en un temps aussi éloigné, quels faits ne sont pas devenus mythes ? - selon laquelle tous deux auraient participé à un tournoi poétique, remporté par Hésiode des suites d'une apologie de la paix cependant qu'Homère, dont tous les spectateurs auraient pourtant loué la virtuosité poétique, aurait esthétiser la guerre - chose difficile à croire après avoir lu l'Iliade, personne ne me contredira ! Des dizaines de siècles seront passé sur ces deux oeuvres, et une seule a traversé les âges intactes, l'autre semble assez mal en point dans la culture populaire ; et pourtant, je le rappelle, tous deux rivalisaient de renommée dans la Grèce de l'époque.
Passons maintenant au livre et plus précisément à la version qui est la mienne, issue des éditions L'Harmattan ; les deux oeuvres qu'elle réunit sont en effet les deux uniques oeuvres dont l'auteur avéré est Hésiode - il y a bien le Bouclier aussi, mais j'ai lu çà et là que cette création lui était contestée -, partant et dans la mesure où ce sont les uniques survivants de l'auteur, la manière de les aborder me semble encore plus primordiale que pour tout autre poète ou écrivain.


Le livre s'ouvre donc sur une introduction d'Antoine Nguidjol qui remet les oeuvres dans leur contexte, il a plutôt tendance à nous résumer tout le livre avant même que l'on s'y soit frotté, mais ça ne m'a pas vraiment gêné en ce sens qu'il n'abrite pas d'intrigue à tuer, comme dans un polar par exemple, dans lequel ce même genre d'introduction serait autrement plus problématique. On y apprend qu'Hésiode voyait en la poésie un acte de remémoration, permit par Mnémosyne, déesse de la mémoire, ainsi que par les Muses qui auraient elles-mêmes offert ce don au poète ; la remémoration se fait en retraçant la naissance des dieux depuis le chaos initial. Un parallèle est aussi fait entre Hésiode et des conteurs africains, parallèle que je n'ai pas trouvé inintéressant, mais pas vraiment nécessaire, bien que je puisse comprendre que l'on essaie d'exporter un peu du génie d'un tel auteur dans son pays d'origine.
Commençons donc par La Théogonie puisqu'elle est la première à se présenter à la lecture. C'est en quelque sorte une généalogie des dieux grecs, untel enfanta untel avec untel, etc., intéressant donc si l'on souhaite approfondir sa connaissance de la mythologie grecque, beaucoup moins dans le cas contraire. Il faut savoir que c'est sur cette base que les Grecs ont bâti une immense partie de leur mythologie, c'est donc à la source de cette dernière que l'on plonge en lisant cet ouvrage ; la Titanomachie, l'incroyable ablation du pénis d'Ouranos par son fils Cronos - poétisée, naturellement -, la naissance des Parques et la genèse de la plupart des divinités, vous retrouverez certainement beaucoup de mythes que vous aurez entendu ou lu un peu partout. Cela reste bien sûr de la poésie, et tout ceci est de fait exposé avec une fougueuse plume - langue devrais-je plutôt dire, considérant l'époque de la création - poétique, pas avec le froid scalpel du généalogiste.
S'ensuit une seconde introduction, celle-ci se rattache à la seconde oeuvre : Les Travaux et les Jours. Antoine Nguidjol toujours, nous prépare à lire une métaphore ; celle de la paysannerie, du travail honnête et vertueux, qui ne peut que finir broyé par une aristocratie cupide qui, elle, ne peut se targuer de travailler. Hésiode dédie cette oeuvre à son frère Persès qui, au décès de leurs parents et suite à une corruption juridique, remporte la plus grosse part de l'héritage, avant de tout dilapider très rapidement, et de retourner mendier auprès de son aîné, qui le repoussera et écrira à son attention ce poème dit à la deuxième personne du singulier.
C'est dans cette seconde oeuvre que se trouve le mythe de la boîte de Pandore - qui, comme son nom ne l'indique pas, était une jarre à l'origine. Hésiode y décrit également les différents âges de l'homme : l'âge d'or pendant lequel le malheur et le travail n'existait pas, la femme non plus - la misogynie remonte à la nuit des temps -, l'homme ne pouvait donc pas procréer ; l'âge d'argent qui renie les dieux et Zeus qui s'était alors emparé de l'Olympe après la Titanomachie ; l'âge d'airain qui n'est que la résultante de ce refus de l'homme d'adorer les dieux, Zeus crée une humanité froide et vivant uniquement pour se battre et mourir à la guerre ; une fois les hommes de l'âge d'airain tous morts au combat, peut naître l'âge des héros ou demi-dieux ; cette partie du poème se clôt sur l'âge de fer dans lequel nous nous trouvons toujours et dont Hésiode se désole - « Plût aux dieux que je ne vécusse pas au milieu de la cinquième génération ! Que ne suis-je mort avant ! que ne puis-je naître après ! » -, un âge ou l'enfant ne respecte plus son aîné, sans redouter la vengeance divine, où l'homme foule aux pieds toutes les vertus, pauvre humanité !
Puis vient cet éloge de la justice, du travail et du mérite ; avant de lire les conseils que donne Hésiode à son frère pour pouvoir survivre honnêtement en agriculteur. J'exagère à peine en considérant cette partie comme un vrai petit "manuel du bon agriculteur", il nous parle de la façon dont il faut entretenir ses plantations, la manière d'aborder chaque saison, les jours fastes et néfastes et qu'y faire. Un parallèle avec la philosophie peut être rapidement fait : la grecque est une philosophie pratique et existentielle, pourquoi n'en serait-il pas de même avec la poésie ? En l'occurrence, je ne mentirai pas, c'est une partie qui m'a beaucoup moins fasciné, je n'ai pas l'intention de me faire paysan grec - difficilement de cette époque et encore moins aujourd'hui -, bien que l'éloge qu'il en fait soit pour son compte magnifique. Ce second poème est extrêmement personnel, l'on sent que c'est de son expérience que Hésiode nous parle, il était en effet berger et sait ce que signifie travailler, à la force de ses bras et pour conquérir la vertu.



Deux oeuvres intéressantes surtout en tant qu'elles sont très représentatives de la Grèce de l'époque, celle qui s'apprêtait à enfanter la philosophie et qui pouvait déjà se targuer de posséder des personnalités qui allaient traverser les âges. Si cette antiquité là ne vous intéresse pas, il y a fort peu de chance pour que ce soit le cas de cet ouvrage. Dans le cas contraire, vraiment, je pense qu'une culture de la littérature antique se doit de contenir Hésiode, je ne peux que vous conseiller sa découverte.
En ce qui concerne la traduction, je ne lis pas le grec ancien - encore moins le grec moderne - et ne saurai de fait en faire une véritable critique, mais je n'ai pas été choqué par quoi que ce soit, peut-être quelques répétitions peu esthétique, mais peut-être sont-elles présentes à l'origine.
Il est malheureux, en refermant le livre, de se dire que l'on a déjà presque fait le tour de ce que nous a légué ce poète, malgré ça, je sais qu'un retour sera nécessaire, car je doute avoir pu retirer tout ce qu'il y a à retirer de cette oeuvre intemporelle dès cette première lecture. Moi qui ai une certaine habitude à clore quelques unes de mes chroniques par une formule pouvant se résumer par « découverte en cours », je ne dirai pas cette fois non plus « découverte achevée », parce que je n'ai, à mon avis, parcouru qu'une infime partie de ce que Hésiode peut m'apporter.
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