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Critique de lezardbavard


La personnalité, la vie et l'oeuvre de François d'Assise sont assurément des sujets de choix pour un écrivain de la trempe d'Hermann Hesse. Répondant à l'édifiant parcours de Siddharta, cet ensemble de textes sur le Poverello donne la mesure de l'intérêt du romancier pour cette figure poétique – dont la dimension spirituelle n'est pas sans nous interroger en profondeur sur les valeurs démonétisées d'un capitalisme aussi moribond qu'arrogant. Car au-delà, ou au coeur même, du tissage littéraire que déplient ces petits textes en motifs silencieux, le portrait que livre Hesse du Pauvre d'Assise est comme un contrepoint des masques grimaçants de notre civilisation qui croit se défendre à coup d'écrans plats de la barbarie qui la ronge, et que dénonça François en son temps. Loin de nous de vouloir occulter la lumière proprement spirituelle du fondateur de l'ordre des Frères mineurs, pas plus que de nier la résonnance d'abord poétique de ces inédits, et leur place dans l'économie d'une oeuvre littéraire qui n'a pas livré tous ses secrets, au risque de présenter ce court recueil proposé par les éditions Salvator, comme un brûlot politique, mais il nous a semblé important de signaler cette dimension qui, lorsqu'il s'agit de François d'Assise, est le plus souvent sagement laissée de côté pour désamorcer, croit-on, le caractère subversif de son message. Si l'auteur du Cantique de Frère Soleil est la plupart du temps réduit à l'image inoffensive d'un homme qui parlait aux oiseaux, un doux rêveur en somme, Hermann Hesse le rend à sa puissance subversive, celle de la joie inconditionnelle, la « joie parfaite » et le place parmi les « âmes de feu » qui, écrit-il dans les premières pages, magnifiques, de sa biographie, « ne se sont jamais contentées d'un nom à la place de l'être ni d'une image à la place du réel ». Car la simplicité de François et le retour à la pureté du message du Christ sont proprement révolutionnaires : et c'est d'abord cette grandeur-là dont Hermann Hesse a voulu témoigner, cette vie « dont la beauté et la grandeur silencieuse surpassent les oeuvres même de bien des poètes » et qui placent François d'Assise aux côtés des poètes, des sages, des saints, « comme s'ils étaient les premiers hommes ».
Certes, en lisant ces textes, le lecteur familier de François n'apprendra rien de bien neuf : si ce n'est le regard que porte sur lui Hermann Hesse, regard tendre et ferme sur un homme et une oeuvre qui irriguent profondément celle du biographe – irrigation, irisation spirituelle, poétique, politique (le petit essai de Fritz Wagner qui clôt le recueil rend bien compte de cette influence et de la continuité fraternelle entre les deux poètes).

Et ce regard nous offre des textes magnifiques et simples, un véritable cantique d'herbe et de feu qui ajoute à la simplicité de cette histoire l'ardeur d'un héritage. Il fallait des mots aussi simples et brûlants que furent simple et brûlante la vie de François d'Assise, simple et brûlant son message, et Hermann Hesse a su les trouver : voilà une vie qui s'écrit comme un poème, également comme une interpellation, un chant nu et léger sur une branche pour revenir à la source du message évangélique, à sa puissance subversive, à la source de soi et de toute vie.
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