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Critique de Presence


Ce tome comprend les épisodes 43 et 44 de la série Avengers, ainsi que les épisodes 31 à 33 de la série New Avengers. Ceux sont les derniers épisodes de ces 2 séries, initialement parus en 2015, tous écrits par Jonathan Hickman. le récit continue dans Secret Wars, également écrit par Jonathan Hickman, avec des dessins d'Esad Ribic

New Avengers – Épisode 31 (dessins et encrage de Kev Walker) – À la tête des Black Priests, Doctor Strange a réussi à remonter la piste des Black Swans, jusqu'à atteindre Rabum Alal. Épisode 32 (dessins et encrage de Mike Deodato) – Thor, Hyperion, Nightmask et Star Brand font face à une première apparition des Beyonders. Épisode 33 (dessins et encrage de Mike Deodato) – Doctor Doom (Victor von Doom) et Molecule Man (Owen Reece) ont une longue discussion. En parallèle, l'histoire des Black Swans est révélée.

Avengers - Épisode 43 (dessins et encrage de Kev Walker) – Les Avengers doivent décider du sort de Tony Stark. Gladiator (Kallark) annonce aux terriens que l'armada extraterrestre s'apprête à détruire la Terre dans l'heure qui suit. Épisode 43 (dessins et encrage de Stefano Caselli, avec Kev Walker) – Tout finit comme cela a commencé : par une franche discussion entre Steve Rogers et Tony Stark.

Le premier épisode sert à ramener l'un des Avengers à découvrir l'identité d'un acteur découvert dans les derniers stades de l'intrigue : Rabum Alal. Ainsi le scénariste connecte ensemble ce personnage, un élément des Avengers, et les Black Swans. le deuxième épisode introduit les Beyonders. le troisième explique le rôle d'Owen Reece. Les 2 derniers précipitent les événements vers Secret Wars.

Ainsi tous ces épisodes servent la Grande Intrigue pour amener tout ce joli monde vers le crossover 2015. Comme dans les tomes précédents, les artistes ont fort à faire pour donner de la consistance à cette intrigue. Ils doivent à la fois savoir concevoir des mises en scène visuelles pour les passages d'exposition sous forme de dialogue, et donner forme aux concepts échevelés du scénario, sans compter les affrontements physiques (qui font partie de l'ordinaire des comics de superhéros). Globalement ils s'en sortent tous bien, chacun avec leurs points forts, et leurs particularités.

Kev Walker impressionne le lecteur par la clarté de ses cases, la qualité des costumes (les détails sur ceux des Prêtres Noirs), l'ampleur de l'armada de vaisseaux extraterrestres et leurs détails, la consistance des décors, ou encore le rythme visuel qu'il sait donner à chaque séquence. Comme dans les tomes précédents, il persiste à donner des visages juvéniles aux personnages, ainsi que des expressions exagérées (les visages étonnés font grincer des dents par la fausseté de l'expression).

Mike Deodato donne à voir une réalité plus noire que celle de Kev Walker, plus en phase avec le ton solennel et dramatique du scénario. Les 2 épisodes qu'il dessine lui permettent de s'économiser sur les décors (dans l'espace, ou dans des zones désertiques), par contre il fournit un effort plus important pour donner une forme visuelle aux concepts exposés.

Pour le dernier épisode, Stefano Caselli (et Kev Walker) réalise du comics de superhéros traditionnel, avec des visages à nouveau un peu juvéniles. Par contre il excelle à rendre compte de l'ampleur des séquences, qu'il s'agisse de l'armada extraterrestre ou des scènes de destruction.

Pour être complet, il faut mentionner l'incroyable consistance de la prestation de Frank Martin, le metteur en couleurs. Il aurait mérité que son nom figure sur a couverture, tellement son travail participe à donner du volume et de la consistance à chaque épisode, quel que soit le dessinateur. Son apport est d'autant plus évident que les arrière-plans se vident. Il construit alors des ambiances, voire des impressions de décors, juste par le biais des couleurs. Dans des cases plus denses en information visuelle, son travail permet d'en améliorer la lisibilité, et conserver la même ambiance tout au long d'une même séquence.

Avec cette dernière partie, avant Secret Wars, Jonathan Hickman a tenu son pari d'utiliser les séries Avengers et New Avengers pour le plus grand crossover jamais écrit pour Marvel (de par son ampleur). Il a impliqué des dizaines de personnages, plusieurs pans des diverses mythologies du multivers partagé de l'univers Marvel. Il a ramené des superhéros qui n'avaient plus le droit de cité (ceux du New Universe). Il a bâti une intrigue tentaculaire, dont toutes les pièces s'assemblent, apportant une justification aux comportements étranges (ceux des Black Swans par exemple). de ce point de vue, ce dernier tome achève de manière convaincante et spectaculaire ces 2 séries. 5 étoiles.

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À bien y regarder, le lecteur constate que les échanges entre les personnages évoquent à plusieurs reprises un autre niveau de lecture. Pour commencer, le travail d'Hickman n'a rien de superficiel. Alors qu'il met ici en scène Doctor Doom, le lecteur familier de Marvel constate que le scénariste n'a rien oublié de ce qui le place à part des autres supercriminels. Plutôt que de jouer sur sa qualité de chef d'état (caractéristique souvent employée), il se souvient que Doom est également un praticien des arts occultes, et qu'il dispose d'un outil très particulier (une machine à remonter dans le temps). À l'évidence, ces références pointues aux spécificités des personnages et à leur historique ne peuvent pas être appréciées par tous les lecteurs.

Jonathan Hickman impressionne également par sa compréhension des personnages. le duel final entre Tony Stark et Steve Rogers apparaît comme un procédé habile pour boucler la boucle, et revenir à la scène d'ouverture du premier épisode de la série Avengers, quand Tony Stark présente sa machine Avengers à Steve Rogers. Mais c'est également l'occasion pour le scénariste de faire émerger un nouveau point de vue sur le caractère irréconciliable des philosophies de vie de ces 2 personnages. Tony Stark a menti et il l'a fait sciemment.

C'est bien joli tout ça, mais ça ne constitue pas une thématique philosophique, ou un point de vue sur la société. Pourtant à plusieurs reprises, le lecteur remarque que les dialogues dépassent le simple niveau de l'échange d'information. Par exemple, dans l'épisode 33 des New Avengers, Doom interpelle Owen Reece, en lui indiquant qu'il le connaît bien, car il connaît son histoire. Ce à quoi Reece répond : "Vous savez ? Que savez-vous exactement ? Des récits rapportés de seconde main qui sont devenus une forme d'origine. Une histoire acceptée qui renferme magiquement tout ce que j'étais et tout ce que vous pensez que je deviendrai ?". Il y a là une remarque pertinente sur le fait que les relations interpersonnelles se développent à partir de l'image très partielle que l'un se fait de l'autre. À condition d'être attentif, le lecteur peut donc remarquer quelques observations sur la nature humaine.

À un autre niveau, toute cette histoire a commencé avec Reed Richards déclarant aux Illuinati : "Tout meurt". Dans l'épisode 32 des New Avengers, Nightmask observe que tous les systèmes sont défaillants, qu'ils s'enrayent. Tout au long de ces séries, la fin de toute chose a plané, comme une issue inéluctable (du fait des Incursions). En parallèle, tout au long de la parution de ces épisodes, l'éditeur Marvel a sous-entendu que tout son multivers partagé se dirigeait vers sa fin programmée, débouchant peut-être sur sa réinitialisation totale, à partir de zéro (en termes comics, un reboot).

Avec ce contexte en tête, le lecteur regarde différemment ce récit qui s'achemine vers l'extinction potentielle des superhéros Marvel (du moins sous cette forme). Lorsqu'il voit apparaître les Beyonders qui déclarent avoir le pouvoir d'anéantir les réalités, il y voit à la fois les responsables éditoriaux (qui peuvent décider du sort d'un personnage, et l'imposer à un scénariste), mais aussi les lecteurs dont les goûts (au travers des achats) peuvent décider de la vie et de la mort d'une série. Ce niveau de lecture est renforcé par un Beyonder déclarant à Hyperion : "je crée les étoiles, je les détruits". Hyperion étant un superhéros de type solaire, le lecteur comprend que le Beyonder peut le détruire comme il l'a créé, que les étoiles qu'il évoque peuvent s'entendre comme les superhéros Marvel.

Avec cette métaphore en tête, ce tome, encore plus que les précédents, évoque le fait que les lecteurs et les critiques estiment régulièrement que ces superhéros sont usés, que les auteurs les ont vidé de leur substantifique moelle, qu'il n'y a plus rien à en tirer. L'intrigue menant à leur anéantissement devient un métacommentaire sur les médias spécialisés dans les superhéros, qui les déclarent moribonds depuis des décennies, qui ne voient comme unique salut leur effacement, et leur remplacement par des versions plus neuves, plus en phase avec aujourd'hui.

Du coup, le lecteur contemple d'un autre oeil, les actions d'Owen Reece, la créature qui se rebelle contre ses créateurs, et Doctor Doom qui énonce leur faiblesse (They are linears, compréhensible uniquement dans le flux de la lecture).

Sous réserve d'accepter ce niveau de lecture, ce dernier tome constitue à la fois une aventure tonitruante, et un regard analytique porté sur la pérennité des héros de papier et leur rapport avec leur public. Jonathan Hickman y incorpore également un paradoxe insoluble. D'un côté, ces 2 séries ne servent que de prélude à la potentielle extinction finale de ce multivers. de l'autre côté, le scénariste repousse les frontières de ce multivers à chaque épisode, en y intégrant de nouveaux personnages (Marvel en a profité pour ressortir des mondes et des héros jamais dépoussiérés, comme Weirdworld, ou Skull the slayer).
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