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Critique de Colchik


Ahmet, militant communiste ayant fui Istanbul et la traque de la police, trouve refuge chez Ismail, dans une baraque misérable des environs d'Izmir. Au cours d'une brève promenade, il se fait mordre par un chien et, comme des cas de rage ont été signalés, il se demande si le virus n'est pas en train de faire lentement son chemin dans son organisme. Se faire soigner ? le seul institut capable de le vacciner se trouve à Istanbul où il est sûr de se faire arrêter. Quarante jours, il lui faut attendre quarante jours pour savoir s'il a été contaminé ; il a déjà confié son revolver à Ismail avec pour consigne de l'abattre si la maladie se développe. Reclus, Ahmet commence alors un long décompte des jours et ses souvenirs affluent dans la pièce où il attend chaque soir le retour d'Ismail et des nouvelles des camarades.
Dans un récit déconstruit où la narration impersonnelle passe tout à coup à la narration directe, le passé repousse sans cesse l'espace clos, étouffant de la masure. Les fragments d'une vie dispersée s'échappent du cerveau tourmenté d'Ahmet. Des bribes d'une enfance choyée auprès d'un grand-père haut dignitaire de l'empire ottoman, la résistance entamée auprès des forces kémalistes qui l'amène à découvrir l'Anatolie et la misère de ses paysans, la fraternité des jeunes communistes qui affluent vers Moscou dans les années 20 et l'amour sourcilleux éprouvé pour Anouchka... Ahmet, submergé par l'angoisse, s'échappe par ses souvenirs, trouées dans le rempart de sa solitude. Il se remémore encore et encore le visage de ses compagnons de lutte, les journaux vendus à la sauvette dans les quartiers ouvriers d'Istanbul, le bolchevisme empirique pratiqué par une sorte de comité de salut public chargé de juger les notables, l'étau qui se resserre peu à peu sur les militants communistes traqués par les alliés d'hier et jugés par des tribunaux d'exception. Ahmet s'efface devant ses compagnons de lutte, Ismail, Ziya et Kerim, leurs séjours en prison, leur liberté en pointillés, les épreuves qu'ils ont endurées : la promiscuité, la torture, les privations. Nazım Hikmet a pris le relais et fondu sa voix dans celle d'Ahmet avec une touchante détresse. « La vie est belle, mon vieux. » a murmuré un jour la fiancée d'Ismail, coeur pur et fidèle. Cette touchante Nérimane, courant de prison en prison, d'abord seule, puis avec son enfant pour visiter un époux à jamais voué à sa cause.
La vie est belle, mon vieux... – à l'origine le vrai titre du livre – cette abdication définitive en faveur de l'espoir rend compte de toute la tendresse humaniste du poète Nazım Hikmet. Ces quelques mots empreints d'humour et de courage témoignent d'une foi inébranlable en la vie, en l'amour, signes de reconnaissance universelle, et qui congédient toute forme d'apitoiement sur les existences brisées.
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