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Critique de fabienne2909


On parle beaucoup des mémoires du Prince Harry comme étant l'un des rares témoignages sur la famille royale venu de l'intérieur, mais L Histoire a occulté le personnage de Marion Crawford, la gouvernante des princesses Elizabeth et Margaret, de leur enfance jusqu'au mariage de la première avec le prince Philip. La remettre sur le devant de la scène, voilà ce quoi s'attache Wendy Holden avec ce roman sur la vie de Marion Crawford au service de la Firme.

Rien ne destinait Marion Crawford à vivre une vie pareille. Jeune enseignante en formation au début du roman, celle-ci se destinait à enseigner aux classes les plus pauvres d'Edimbourg, sa ville d'origine. Faire oeuvre de justice sociale grâce à son enseignement, voilà comment la jeune Marion voyait sa future carrière. Par un concours de circonstances, elle se voit pourtant proposer le poste de gouvernante des princesses d'York. Ce qui ne devait durer qu'un mois est devenu la carrière d'une vie, et même d'une curieuse vie, entre sacerdoce et sacrifice.

Marion Crawford sera ainsi la gouvernante royale pendant les quinze années les plus marquantes de la royauté britannique moderne, puisqu'elle sera aux premières loges de l'avènement au pouvoir d'Edward VIII et de son abdication, puis à celui de George VI, faisant d'Elizabeth l'héritière du trône. Mais aussi à la période troublée de la seconde guerre mondiale, qui rapprochera le peuple d'une famille royale jugée assez déconnectée quand Marion est arrivée au service des duc et duchesse d'York, et dont elle sera la première critique, du moins pendant un certain temps. La jeune Marion voit en effet la famille à travers son regard de jeune engagée proche des théories communistes, et elle se demandera souvent à quoi a-t-elle renoncé en se mettant au service de gens qui n'ont aucune idée des réalités quotidiennes.

L'intérêt de « La gouvernante royale » n'est pas d'être le roman de la jeunesse de deux princesses archiconnues dont l'une deviendra reine (il n'y a rien de nouveau depuis « The Crown »). C'est de proposer une double lecture : au premier plan, l'histoire d'une gouvernante qui, de critique de la monarchie et de son côté daté, évoluera (ne met-on pas d'eau dans son vin avec l'âge ?) en une fervente défenseuse de la royauté, par fidélité et amour pour une princesse héritière ; au second plan, de proposer une histoire de l'évolution de la royauté vers son statut moderne.
C'est d'ailleurs ce second aspect qui m'a le plus plu. le premier, qui suit la vie de Marion Crawford au service des York puis des Windsor, est un peu mièvre et répétitif, même s'il est intéressant de constater une inflexion en elle : Marion ne cesse de décrier les méthodes d'éducation anciennes dont elle souhaite se débarrasser au profit des siennes, bien plus modernes ; puis elle se plaint de ne pas être douée pour l'amour et d'être solitaire, avant de reporter ses frustrations sur Elizabeth, qu'elle aimera d'un amour maternel virant à la possessivité, lui faisant oublier que celle-ci n'est pas sa fille, mais son employeuse. Un manque de distance qui créera chez elle de l'amertume à la fin de sa carrière, la Firme sachant prendre – ça lui est naturel –, mais pas donner.

Non, ce que Wendy Holden parvient à rendre le plus pertinent dans ce roman, c'est son décor, le contexte dans lequel évolue son personnage principal, témoin du changement de la royauté grâce à Elizabeth d'York (la future « Queen Mum »). Et pourtant la Firme partait de très loin quand on lit les pages dédiées à George V et Mary de Teck (qui gardait des vieilles ficelles pour en faire des pelotes, quel sens pratique !) et ses traditions désuètes à la rigidité ridicule (les valets devaient se tourner face au mur pour ne pas croiser le regard des membres de la famille royale) et parfois cruelle (en témoigne le passage où Albert d'York part de chez lui prince, accompagné par les baisers de ses filles, pour revenir roi, ce qui les oblige à lui faire la révérence). Si Elizabeth d'York ne sera pas un personnage très sympathique dans le roman, en apparaissant très superficielle au début du roman (se qualifiant elle-même de « terriblement bête »), imprégnée des théories éducatives victoriennes (tout ce qu'il faut à une jeune femme bien née est de savoir danser à un bal), elle n'en est pas moins d'une intelligence pragmatique, en percevant très bien ce qu'est la monarchie et les attentes du peuple à son égard (« […] la monarchie ne tient que parce que les gens ont la conviction que ses membres valent mieux qu'eux. Qu'ils sont une meilleure version d'eux-mêmes »), ou qui mettra en place des relations avec la presse afin de tenter de la maîtriser (vaste sujet).

J'ai donc passé un bon moment de lecture en m'attachant à cet aspect de l'histoire plus qu'à celui consacré à son personnage principal, les passages dédiés à Marion étant assez mièvres au final (très certainement dus à celle-ci, qui aura plus subi que vécu sa vie). Au final, c'est un roman qui offre un bon complément à « Downtown Abbey » pour le fonctionnement structurel de l'aristocratie britannique, et à la saison 1 de « The Crown », qui commence précisément là où le roman se finit.
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