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Critique de Ys


Ys
01 décembre 2015
Londres, début des années 1980. Au Corinthian Club, dans la pénombre d'une piscine souterraine, les hommes s'abandonnent aux mouvements de l'eau, sculptent incessamment leur corps, se frôlent, s'effleurent, s'observent. Certains sont juste de passage, d'autres de vieux habitués des lieux, plus ou moins vieux, plus ou moins désirables.
Will Beckswith, jeune héritier charmant, très occupé à ne rien faire de sa vie et à collectionner les conquêtes faciles, y rencontre un vieux lord un peu absent, qui, pour des raisons mystérieuses, le met au défi d'écrire un livre sur sa vie, finissante mais bien remplie. Pas vraiment emballé, curieux malgré tout, Will se retrouve alors à la tête d'un vaste corpus de journaux intimes et, de lectures en rencontres, finira par découvrir quelques petites choses étonnantes, susceptibles de bouleverser sa vision jusqu'alors très insouciante de l'existence.

La Piscine-Bibliothèque dessine un double portrait, comme en miroir. Celui d'un monde que le lecteur sait à deux doigts de disparaître, le Londres gay d'avant le sida, alors que la révolution des moeurs offre, en apparence du moins, une absolue liberté. Celui d'un homme un peu trop gâté par l'existence, sur le point de perdre une forme d'innocence dans la découverte des dessous cruels de son petit monde doré. La vie de l'un peuple l'autre d'un défilé de personnages hauts en couleurs, intrigants, attachants, attirants ou malsains, et tous deux sont également hédonistes, insouciants, séduisants - et au fond menacés.

Séduisant, il l'est tout particulièrement, Will, par ses défauts autant que ses qualités. Par ce mélange délicieux de désinvolture et de narcissisme, de persistante candeur adolescente et d'intelligence acérée, de frivolité apparente et de profondeur sensible, de culture raffinée et de sensualité débordante. Par cette voix que la narration lui donne, très crue et pourtant élégante, touchante et drôle, avec juste ce qu'il faut de lucidité et de distance vis à vis de soi-même, d'autodérision et d'humour subtil.
Un régal, pour moi, que ce garçon, comme à peu près tout ceux qui tournent autour de lui. Ses amants très sexy et parfois plus intéressants qu'ils n'y paraissent au premier abord, son meilleur ami trop sage et solitaire, son intrépide neveu de six ans et ses impayables quoique très sérieuses questions sur "les homosexuels". le vieux lord Charles, charmant et ambigu avec ses souvenirs et ses mystères. Jusqu'au grand-père du narrateur, personnage peu présent mais essentiel, qui ne manque ni de nuances, ni d'intérêt.

Tout cela est merveilleusement écrit, avec un talent particulier pour poser des ambiances captivantes ou bousculer le banal d'un trait de nonsense aussi subtil que drôle. Si le sexe est omniprésent, et sous des formes souvent très crues, il l'est sans vulgarité, l'auteur possédant ce don - assez rare et que j'apprécie d'autant mieux - pour conférer une beauté en clair-obscur, solaire, puissante, brutale, sensuelle, à ce qui sous une autre plume pourrait facilement sembler sordide.

Grand coup de coeur, en somme, que ce roman - avec tout juste un petit bémol sur la fin, un peu abrupte et trop ouverte à mon goût. Certes, elle laisse la part belle à l'imagination, à l'interprétation - ce que j'apprécie toujours, et je serais en l'occurrence assez curieuse d'en discuter avec les autres lecteurs du livre. Mais un peu trop de fils restent en suspens et c'est d'autant plus frustrant que j'aurais bien passé quelques centaines de pages supplémentaires en compagnie de tous ces personnages.
J'en serai quitte pour aller découvrir les autres livres de l'auteur !
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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