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Critique de LucienRaphmaj




Il est parfois aussi compliqué de cerner les motifs de ses réticences que de ses fascinations. J'ai continué de lire jusqu'à découvrir enfin ce qui faisait ce sentiment de gêne à la lecture et je me suis arrêté.
Pourtant le projet sur le papier était prometteur :

« Il s'agit de décrire la performance ou l'opération Cyborg dans la philosophie. Cyborg n'offre pas ici une voie à suivre pleine de promesses (le « posthumain »), mais une ontologie. Cyborg est la description de notre condition sous la forme générale de l'Outil ou de la Prothèse. Mais en un sens plus métaphysique, Cyborg indique une façon de traiter les couples de contraires dont notre pensée est infestée. (…) Cyborg creuse la raison des dichotomies, proposant, explorant et effectuant une manière de faire tenir le 2 en 1 – alliance et tension. Cyborg – cybernétique et organisme, les deux à la fois sans être ni l'un ni l'autre, est le nom de l'ajointement bancal des contraires, de leur collusion agglutinante. de ce point de vue, l'approche cybernétique ne pouvait se voir accorder de privilège sur la perspective organique, tant Cyborg est l'un et l'autre à la fois, et ce de façon quasi indissociable. Cyborg pense contre les dualismes, c'est-à-dire avec eux et par eux.»

Le livre est scindé en deux parties : l'un sur « Cyborg et l'organologie générale » et l'autre sur « Cyborg philosophie ».
Mais si la première partie a le mérite de travailler Canguilhem et Haraway, de manière plus ou moins convaincante, classique, la seconde partie, qui porte donc le coeur du projet « Cyborg philosophie », révèle vite l'absence d'idée force, peu de lignes de fuite, et pas mal de faiblesses sous un effet de « forme » qui ne convainc pas en fait de philosophie.
Le propos était de penser « l'ontologie » (discours sur l'être) à nouveau frais, mais on n'a qu'une collection de pensées d'autres penseurs, rassemblées sous la figure flottante de « Cyborg ».
Le propos était de « penser contre les dualismes, c'est-à-dire avec eux et par eux » mais dans le chapitre intitulé « le Magicien Deux », le dualisme devient le Mal absolu dans des proportions assez stupéfiantes (on reproche aux Globes de Coronelli de distinguer le Ciel de la Terre, car c'est un dualisme... alors que « Cyborg » c'est la confusion des genres), la chose à fuir (sous la figure tantôt de l'Un, tantôt du Multiple, c'est à voir). Tout ce qui s'annonçait comme « alliance et tension », tout ce qui pouvait promettre de la nuance, de la complexité, disparaît. le ton est celui non du traité, de l'essai, mais du manifeste, du prophète, de l'écrit de combat (« ils », « les amis du Duels », etc.). Cela m'empêche de lire surtout quand cela se fait en lisant de manière parfois caricaturale (ce qui permet d'évacuer la dialectique hégélienne comme dualisme en un paragraphe) ou sans approfondissement (le major Kusanagi traitée en 12 lignes, alors que l'aspect pop-philosophie, annoncé lui aussi aurait dû permettre de mieux traiter le stuff).
Au final, quand on essaie de synthétiser ce qui veut se dire sous cette « figure » de Cyborg on n'aperçoit des flottements. Il y a le féminisme, certes, et ses questions, mais il y a déjà Haraway (1985) pour ça. Pour le reste à vouloir être trop de choses, Cyborg n'a aucune forme, aucune performativité, et il est, en plus, la figure porteuse d'une vision irénique mêlée d'un optimisme (là aussi je tiquerai toujours) qui semble toujours à la limite de la naïveté. le monde rêvé par Cyborg est l'image-souhait d'un monde aseptisé, une bulle (pas un globe, attention) où l'utopie règne dans l'absolu.

P.S. : Ah, quand même il y a un "parcours bibliographique" commenté qui est instructif.
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