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Critique de fuji


D'emblée deux scènes fortes, à Prague séparées par un demi-siècle.
1953 Vladimir Vochoc fait face à un tribunal populaire .
2002 Josefa fait face à sa fille et son gendre, l'inondation de la ville devrait l'inciter à partir mais elle ne veut pas sortir de chez elle.
« Elle ne possède pas de valise, pas de grand sac. Elle est toujours assez bien parvenue à dissimuler une sorte de folie obsessionnelle : ne pas bouger de Prague, ne pas s'éloigner de son quartier et perdre de vue, le moins possible, sa rue, son immeuble. »
Un lien entre les deux : l'année 1938.
Certaines choses ne peuvent se dire que par un artifice, ici une poupée de chiffon. Cette poupée a tout vu, tout entendu mais dira-t-elle tout ?
C'est le symbole de la transmission.
Ce qui peut paraître comme une structure déroutante, au contraire renforce la narration.
Vladimir Vochoc est consul de Tchécoslovaquie à Marseille, dès 1938 il est lucide sur la situation mondiale.
L'auteur nous trace le portrait d'un Juste. Diplomate reconnu « Juste parmi les Nations », un de ceux qui ont pu sauver de la Shoah des milliers de personnes.
Ceux qui ont eu l'audace, le grain de folie d'enrayer la machine à exterminer. C'est un portrait haut en couleurs, parmi ces milliers de gens qui essayent de fuir, de se faire oublier.
Un homme qui a su s'extraire de « l'ordinaire » pour être au croisement de ceux qui doivent s'exiler.
Une femme parmi ces milliers de visages, Bojena et son bébé Josefa.
C'est de ce duo, dont la poupée de chiffon, va nous révéler le destin.
Un éclairage sur ce lien très particulier entre cette mère et l'enfant, car entre elles, les mots sont un fil à dérouler : « Je ne comprends pas, j'ai menti pour la première fois. Pourtant, on est en paix, non ? Est-ce que le mensonge pendant la guerre avait été plus acceptable ? Plus léger ou justifié qu'en temps de paix ? Pour survivre, on a tous les droits ? Puis, dans le mensonge il y a « songe ». C'est comme si les rêves étaient faux. Comment un rêve peut-il être faux ? Et un rêve, peut-il être vrai ? »
Cette poupée comme mémoire, d'elle surgit l'origine de Josefa.
Une voix comme celle de l'auteur qui fait resurgir pour mieux conserver.
Comme son héros Vladimir Vochoc, Lenka Horňáková-Civade nous démontre que chaque destin est extraordinaire, tissé par des liens souvent insoupçonnables.
L'auteur peint de très beaux portraits d'hommes et de femmes sur la toile de l'Histoire. Non, pas des ombres, des êtres humains qui restent en mémoire.
Une écriture forte, comme l'eau-forte ce procédé de gravure en taille douce pour baigner notre mémoire collective.
En 2016, l'auteur déclarait que la langue française lui permettait de dire ce qui était indicible dans sa langue maternelle. Une fois de plus dans ce troisième roman, tout fait sens et elle sait avoir la bonne distance.
En conclusion, vivre n'est-ce pas répondre à ceci : « Il faut savoir si l'on se bat pour son passé ou pour son avenir. Il faut savoir si l'on veut se battre. Notre passé, les interprétations et les légendes qu'il nous propose. »
Livre lu dans le cadre de Masse Critique Babelio, merci à eux et à Alma éditions.
© Chantal Lafon-Littérature Amor 15 octobre 2019.
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