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Critique de Rotor


La dernière livraison de notre Michel national est une longue tentative assez ennuyeuse de dépeindre la société française, au travers de personnages assez peu romancés qui répètent avec une certaine intelligence, les obsessions de leur créateur. L'impression est curieuse de lire un long monologue pour plusieurs voix qui dialoguent en canons afin de maintenir tout du long du livre ce petit rythme de moteur diesel qui marque ici l'écriture en charentaises plutôt confortables de l'auteur.
Si n'étaient les saillies humoristiques et la capacité de Michel à accélérer bougon dans quelques passages, et sa faculté de créer une sorte d'hypnose dont il est pourtant capable de sortir, on s'ennuierait ferme au sein des infinies discussion désabusées de personnages portant des prénoms ridicules : Indy, Bruno, Paul, Brian, Prudence, Cécile et Maryse. Spécialistes en conversations salons et en repas de table maniant l'à-propos et le sens des banalités avec une persévérance documentaire qui se confond souvent avec une maniaquerie dans le plaisir de la description.
Non, Michel ne s'intéresse pas à rien puisqu'il note et dépeint l'ordinaire avec un sens du détail qui rappelle les grandes heures de wikipédia, si l'encyclopédie était un roman.
Je ne sais à quel point l'autofiction irrigue ce texte, et si l'entre-soi houellebecquien ressemble à ses personnages, toujours est-il que notre auteur semble se complaire à traîner son spleen en leur compagnie, et qu'il a définitivement quitté les Felix Pottin et Shoppi qui ont fait sa gloire pour consommer des produits de bouche en grands nombres, entourés d'individus charmants ayant des problèmes aussi graves que de reconnaître leur finalité mortelle, leur échec de divorcés précaires et leur sort condamné à l'impuissance fondamentale de la condition humaine en ces temps de déclin de la civilisation.
D'où la légère sensation d'empâtement à la lecture de ce long fleuve tranquille poétique qu'est malgré tout, Anéantir. Où heureusement surnage un certain talent de styliste, quelques notes d'humours bienvenus qui réveillent ce texte assez endormi qui a des airs d'interminable repas de famille.
Bonne chance à ceux qui termineront les 734 pages, cela tient du marathon ou du concours de marche sportive. C'est un genre nouveau que le page-turner au ralentis. J'imagine qu'il faut presque de la foi pour terminer un aussi long surplace où rarement la vie de bureau et ses aléas auront été aussi finement auscultés par un écrivain pour qui, elle ne représente pourtant rien d'important ni de révélateur.
Et c'est là, l'enjeu majeur et la limite du roman que de s'intéresser à quelque chose qui ne l'intéresse pas tel un greffier de mauvaise humeur sur le trottoir roulant de son one - man show. Mais deci delà, quelques phrases claires démontrent une certaine oreille littéraire, un sens de la période courte et de la rythmique française avec sa géométrie faites de consonnes. La langue se meut enfin, elle se pimente et s'active, elle se fait douce également, ce qui est nouveau chez Michel et le texte atteint à une forme de classicisme.
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