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Critique de frandj


frandj
11 septembre 2014
En tant qu'individu, M. Houellebecq parait être un personnage déroutant, assez cynique, politiquement incorrect. En tant qu'écrivain, il est controversé. J'ai déjà lu plusieurs romans qu'il a signés et mon impression personnelle n'a pas été défavorable. Cette fois-ci, je me suis attaqué à une des oeuvres anciennes, "Extension du domaine de la lutte". Je reste assez perplexe mais, en fait, je ne regrette pas de l'avoir lu.

Le narrateur est un ingénieur trentenaire, qui travaille sans aucun entrain pour une entreprise d'informatique. Il mène une existence vide de joies, sans relations, sans aucune conquête féminine depuis sa rupture avec Véronique. Il passe le temps comme il le peut, c'est-à-dire très médiocrement. En fait, les quelques personnes qu'il fréquente sont ses collègues, pour lesquels il n'éprouve aucun sentiment d'amitié. Son travail l'amène à s'intéresser un peu à un jeune employé nommé Tisserand, très laid et maladroit, terriblement frustré sur le plan sexuel: cette rencontre lui démontre en quelque sorte qu'il existe des individus encore plus malheureux que lui (Tisserand n'échappera d'ailleurs pas à sa malédiction). Lui-même finira par "disjoncter", vers la fin du récit.
Dans le roman, on trouve une charge très sévère (mais exempte de tout esprit militant) contre la société moderne, aussi bien sur le plan socio-économique que sur le plan individuel. En particulier, Houellebecq dénonce l'effrayante misère affective et sexuelle qui accable tous les perdants de la compétition où nous nous trouvons tous impliqués de gré ou de force. Il s'avance même à parsemer son livre de théories à ce sujet. Dans le même esprit, il s'attaque à la psychanalyse avec une extrême violence. L'auteur ne travaille pas dans la nuance...
Ce qui est peut-être plus intéressant, c'est le narrateur du roman qui m'évoque vaguement le personnage principal dans "L'étranger" d'Albert Camus. Notre informaticien traverse la société un peu "en contrebande"; isolé, il observe froidement et sans indulgence les travers de ceux qui l'entourent mais il ne s'insurge pas; il est à la fois dégoûté et résigné devant ce qu'il voit et ce qu'il vit. L'auteur lui fait dire: « J'ai si peu vécu que j'ai tendance à m'imaginer que je ne vais pas mourir; il parait invraisemblable qu'une vie humaine se réduise à si peu de chose; on s'imagine malgré soi que quelque chose va advenir tôt ou tard. Profonde erreur. Une vie peut fort bien être à la fois vide et brève ».
Ce qui le distingue peut-être de Meursault, c'est son cynisme, son absence totale "d'innocence" morale. Lui, qui n'a pas vraiment vécu, n'a déjà plus aucune illusion sur la vie; mais il n'avoue jamais qu'il est profondément malheureux.

Quoique court, ce roman présente des longueurs; mais certains passages m'ont semblé très bien venus. En général l'écriture de Houellebecq semble sans relief, volontairement, pour cadrer avec l'état d'esprit du "héros"; mais il n'hésite pas à utiliser des mots crus, s'il le juge nécessaire, notamment dans le domaine de la sexualité. L'atmosphère reste grisâtre tout au long du récit: ce n'est donc pas un livre à faire lire à un dépressif !
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