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Critique de mh17


« le drame le plus austère est issu de la même substance que le grotesque le plus trivial ».

Bohumil Hrabal (1914-1997) a raconté qu'il avait rédigé “Moi qui ai servi le roi d'Angleterre” en dix-huit jours et d'une seule traite lors de la canicule de l'été 1971 ». Sans doute dans sa taverne favorite, tant ce monologue incroyable, débordant d'imagination et d'humour burlesque, semble totalement déjanté. Mais ne nous y trompons pas c'est aussi une fable douce amère comme une bonne bière. Elle évoque l'histoire de la Tchécoslovaquie des années 20 aux années 60. Publié clandestinement sous samizdat, le livre sera d'abord édité en R.F.A en 1980 avant d'être publié en Tchécoslovaquie à la chute du Mur.
C'est l'histoire d'un petit groom complexé prêt à tout pour devenir millionnaire et posséder un hôtel. Quand enfin son rêve se réalise, il découvre qu'il ne sera jamais admis à la table des grands. L'arrivée des communistes met fin à ses ambitions et le contraint à vivre seul au fin fond de la forêt.
A partir de cette trame toute simple Hrabal bâtit un monologue baroque en cinq épisodes avec pour conteur, un héros à la tchatche intarissable et des personnages secondaires formidables.
L'ascension est pétillante et joyeusement décadente. La descente est terrible et l'humour bien sombre.

« Maintenant que tu es groom chez nous, rappelle-toi bien ceci : tu n'as rien vu, rien entendu ! Répète! " Je répondis donc que dans son établissement , je n'avais rien vu ni rien entendu. Mais le patron de poursuivre , en me tirant l'oreille droite: "Or rappelle-toi aussi que tu dois tout voir et tout entendre! Répète! " Je répétai donc, interloqué, que désormais je verrais tout et entendrais tout. Voilà comment j'avais débuté".

Nous suivons donc d'hôtel de province campagnard en grand-hôtel, de grand hôtel en palace pragois, l'ascension extraordinaire de Jan Ditie, le narrateur aux origines modestes. C'est un enfant naturel, petit, blond aux yeux bleus, très débrouillard et intuitif. Un gamin de quatorze ans bien attachant ma foi sauf qu'il est aussi parfaitement cynique et amoral. C'est le roi de la combine. Il tient cela de sa grand-mère qui l'a élevé. Elle récupérait les sous-vêtements sales que des voyageurs de commerce jetaient par la fenêtre aux bains pour les revendre ensuite aux ouvriers sur les chantiers. Et d'ajouter cette image étonnante « « Parfois, les chemises jetées écartaient soudainement les bras comme un agent de la circulation à une intersection, ou comme le Christ. » le petit groom vend des saucisses à la gare, aux riches étrangers, juste un peu avant que le train ne démarre. Il n'aura évidemment pas le temps de leur rendre la monnaie mais saura courir le long du quai en se lamentant. Jan fait son apprentissage auprès de serveurs et de maîtres d'hôtel tout à fait remarquables et compétents qui lui apprennent à espionner, à voler et à profiter des jolis restes de la riche clientèle bourgeoise venue faire ripaille et se montrer. Il découvre l'Eden, bordel célèbre et y dépense l'argent de ses saucisses sans compter, en couvrant ces dames de pétales de rose. Elles le reconnaissent en ville avec sa belle cravate à pois bleus. Et il peut alors parader dans la rue, ivre de puissance et de gloire. Un énorme représentant en machines à découper le salami hongrois qui l'a vu s'y prendre à la gare, lui permet de contempler sur le parquet ciré de sa chambre, l'étalage fabuleux de ses beaux billets de banque. Bientôt Jan monte à à Prague et accède à l'hôtel de Paris, un splendide palace. Skrivánek le maître d'hôtel au regard d'aigle, le prend sous son aile et lui apprend à bien observer la clientèle internationale pour deviner à son apparence, sa nationalité et son origine sociale. ils parient sur celui qui commandera le dîner et le maître gagne toujours. A Jan qui s'en étonne, Skrivánek lui répond toujours : « parce que j'ai servi le roi d'Angleterre ». Et bientôt l'élève surpassera le maître à l'occasion d'un extravagant banquet en l'honneur de l'empereur d'Éthiopie, le Négus en personne, qui lui permettra d'accumuler un pactole en pourboires et d'arborer fièrement une splendide décoration...



Même si j'ai un peu calé à la fin j'ai lu ce livre exubérant avec gourmandise. Je vous conseille de l'attaquer avec une Kozel bien fraîche à portée de main.
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